Retour aux sources – la forteresse assiégée et les catapultes low tech

Gare Montparnasse direction Concarneau.

Paris et ses publicités : l’oeil partout sollicité, le regard toujours recommencé, l’attention encore et encore sollicitée. Dans le hall de la gare où frétille le piano en libre sévice, j’aperçois cette réclame.

Play4Life, un Colibri, Jancovici, TF1, EDF, Deloitte. Ca sent l’écologie molle. Il y a 15 ans ca m’énervait. Le lendemain de Fukushima j’avais bashé les janconneries qu’il avait déjà écrites sur le media GoodPlanet/BNP Paribas. Aujourd’hui il dit moins de bêtises, les Shifters commencent à nuancer sa vindicte anti-renouvelables, se détachent de l’apôtre. Mais bon, cette écologie « spectacle » à coups de sponsors peu recommandables n’a jamais été de mon goût bien que j’y ai rencontré des personnes formidables et convaincues.

Dans la fameuse métaphore du château qui dit en gros « prendre le château d’assaut, le réformer, ou en bâtir un autre« . En d’autres termes si tu veux conquérir avec tes idées tu as le choix entre la force, la ruse ou la conviction par exemplarité. Radical, réformiste ou alternatif.

En principe, avec les années qui passent, on finit par devenir de plus en plus réformiste. Il semble que le temps n’ait pas eu cet effet sur moi…

J’arrive donc à Concarneau où je suis attendu par l’équipe du Low Tech Lab. Pour des raisons de confidentialté je ne vais pas trop parler de ma mission mais j’étais forcément très impatient. Pour moi, le mouvement Low Tech, formidablement incarné par le navigateur Corentin de Chatelperron, c’était ni plus ni moins qu’une manière séduisante, drôle et méthodique pour reparler de sobriété et de technologie.

Pour ceux qui l’ignorent, ce jeune ingénieur a réalisé plusieurs prouesses exploratoires autour de l’autonomie : sur un radeau, dans le désert mexicain et en milieu encore plus hostile à savoir un appartement de banlieue parisienne. Sa notoriété (relative tout de même tant quand j’en parle autour de moi, je vois à quel point… personne ne connaît) a permis de mettre en avant un mouvement plus global qui essaime partout en France notamment.

Pour le plaisir, je vous mets l’urinoir sans eau dans les bureaux de Explore, le fonds de dotation qui accueille le Low Tech Lab. C’est un détail mais quand je vois à quel point dans diférents tiers-lieux alternatifs la question des toilettes est compliquée, je me dis « eux au moins ils l’ont fait ». Je n’ai pas vu d’élevages de grillons ou de bac hydroponiques mais j’ai pu voir un atelier avec quelques merveilles de geotrouvetou.

Ces véhicules sont signées « Virage Commun » dont je ne peux que vous recommander le site web qui annonce dès le début « La sobriété c’est pas drôle. » Oh oui ici on respire, on se sent vivant. Ici ca bricole, ca expérimente, ca bidouille, ca créé, ca s’emmêle, ca se démêle; ici on se réapproprie la technique et donc on se réapproprie la vie.

J’éprouve le même enthousiasme que quand je fréquente par exemple un type comme Pascal Lenormand qui est aussi un vrai expérimentateur de la sobriété (et avec qui j’ai eu le plaisir d’expérimeter le bain glacé dans le lac d’Annecy). Lui appelle cela le ré-humanisme, par ropposition au transhumanisme. A Concarneau on fait donc dans l’anglicisme : low tech, explore

Hasard du calendrier de mes lectures, je me suis plongé dans les récits de la conquête du Pole Sud. Les deux journaux de bords, en parallèle. Celui du norvégien Amundsen, heureux vainqueur de cette course antarctique; et celui de l’anglais Scott, malhéreux second qui y laissa la vie, consigant dans son cahier ses derniers mots « Pour l’amour de Dieu, prenez soin des autres ». A seulement 18km d’un campement au retour, l’équipe mourut de froid. Je connaissais vaguement l’histoire mais me plonger dans les carnets des deux explorateurs m’intéressait car je voulais savoir pourquoi cela s’était très bien passé pour l’un et si mal passé pour l’autre. Il est souvent dit que Scott a joué de malchance avec la météo (il n’est parti que 15 jours plus tard, et son itinéraire est un peu différent). Il est aussi souvent précisé que Scott avait misé sur des solutions « techniques » saugrenues. Et effectivement, le carnet de Scott relate beaucoup de difficultés avec les poneys qu’il a emmenés. Ceux-ci meurent au fur et à mesure et on se demande bien à quel moment il s’est dit que ce type d’animal était pertinent pour la glace.

Amundsen parle sans cesse de la centaine de chiens qu’il a emménés. Même si c’est un peu l’hécatombe (beaucoup sont abattus pour nourrir les autres chiens afin d’avancer) il est question de leur nom, de leur personnalité. Scott avait aussi essayé des traineaux motorisés. A la fin je me suis dit que tout de même il y avait un peu trop de « fat tech » dans l’expédition de Scott. Un peu de malchance aussi.

Et quand j’ai regardé le reportage dans le désert mexicain par Corentin de Chatelperron, j’ai vu des similitudes. Le fait d’inclure dans la techologie des solutions du vivant. Non plus des chiens ou des chevaux, mais ici des plantes (spiruline et aromates) et des animaux (mouches et grillons). Cela m’a aussi rappelé que parmi toutes les astuces pour avoir chaud en hiver, on peut certes mettre pulls, boire de l’eau chaude… mais on peut aussi prendre un chat sur ses genoux 😉

Ou, comme d’antan, dormir avec les animaux de l’étable.

Cela faisait fort longtemps que je ne m’étais pas imprégné de toute cette atmosphère « simplicité volontaire ». Quelques heures à peine en cette compagnie ont suffi à me remettre une énergie dont la source demeure tout de même assez inexpliquée. Certains appelle cela l’élan vital.

Mais la question demeure : un peu comme la musique qui fait vibrer l’un et laisse de marbre l’autre, pourquoi cette énergie vitale semble ne pas contaminer tout le monde ?

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