Baptiste RABOURDIN

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Catégorie : Débat

La Ruche Qui dit Oui attaque en justice les AMAP pour concurrence déloyale

alligator-golfPour ceux qui ne le savent pas, une petite rivalité s’est installée dernièrement dans le monde des paniers locaux.

D’un côté il y a certaines AMAP (Association pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne) qui fonctionnent sous forme associative et « obligent » des personnes à partager la récolte d’un paysan (pas toujours mais souvent bio) en récupérant chaque semaine un panier. Un système bien établi depuis plus de dix ans mais que certains abandonnent en raison des contraintes (on paye à l’avance, il faut être là à chaque distribution, on choisit pas ce que l’on a).

En 2010 est née la plateforme Internet La Ruche Qui dit Oui, qui propose également du circuit-court, pas forcément bio, en permettant à des producteurs de vendre directement dans des lieux de distribution gérés par un « responsable de ruche ».

Tout le monde était alors emballé !

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J’en ai marre des moteurs de recherche solidaire !

Droit de réponse :
Suite à ce billet, j’ai pu rencontrer Clément et Marc de Lilo. Autour de breuvages, nous avons pu parler librement de mon billet.
Il me semble important d’apporter les précisions suivantes qui dénotent d’un réel souci d’amélioration de cette initiative qui reste tout de même mieux que rien :
– Lilo n’utilise pas que l’algorithme de Google, une option permet d’ailleurs de s’en passer
– Lilo est engagé sur le terrain de la vie privée (respect directive CNIL anti-cookie et algorithme anti tracking publicitaire)
– Lilo a financé plus de 60 projets sociaux ou environnementaux qui agissent concrètement en France, et a presque reversé 190 000€

Je vous invite à lire leur droit de réponse sur leur blog.

 

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« Changez le monde sans changer la planète ».
Si si !

Faut croire qu’on ne se refait pas… Certains lecteurs aiment bien quand je cogne, quand je fais le chevalier blanc, le chercheur de petites bêtes. Moi ca me gêne parce que je sais que  l’exercice du bashing peut-être blessant.
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Tuer Amazon, un hobby comme les autres…

librairie-visageIl est de bon ton de taper sur Amazon, comme s’il s’agissait du mal suprême. Récemment, j’ai découvert une extension nommée Amazon Killer. Comme je travaille, dans un secret relatif, sur quelque chose de similaire,  je l’ai testée et je me permets une analyse à chaud… quitte à défendre Amazon !

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La suite s’il vous plaît !

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Drôle de billet que celui-ci…

Et ils travaillèrent heureux…

blanche-neige-mecaniqueTout le monde aime les belles histoires. Les enfants aiment quand, dans les contes, après le danger et la peur, vient le happy end.
« Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants« .

Les adultes ne sont que de grands enfants. Quand on leur annonce que l’on va écrire un chapitre avec des ingrédients coopératifs, écologiques et éthiques sur Internet (danger, peur) , ils attendent le happy end moderne :
« ils travaillèrent heureux et gagnèrent beaucoup d’argent« .

Mais la vie n’est pas un conte de fée car l’entreprise est un un compte de résultat…

Les affaires se corsent et tant mieux d’ailleurs car les contes sont toujours trop lisses (d’où l’idée d’en avoir réécrits…).

Alors on passe à l’écriture du deuxième chapitre. On se renouvelle comme on peut, on change de style, on appelle même de nouveaux personnages pour faire rebondir l’intrigue. On annonce quand même que le happy end ce ne sera pas le « beaucoup d’argent » mais rassure, ce sera quand même une belle histoire parce qu’il y aura des rencontres, des enseignements, des expériences, des rigolades, des épreuves… la vie quoi.

Nous avons créé la coopérative eco-SAPIENS en 2007, suite à une idée qui, comme toutes les bonnes idées, est née un soir arrosé sur le Pont des Arts. Il y a bien sûr Benjamin et moi. Il y a Françoise for all. Il y a ma sœur Sabine. Il y a Martine forever. Il y a tous ces investisseurs initiaux et bienveillants pour croire en nous au départ, doctes ingénieurs mais sans le sou, sans réseau et sans expérience professionnelle. Fallait vraiment qu’on ait l’œil qui brille pour que les gens croient en nous !

elephant-obstacleGénérique et teasing

Il y a ceux qui sont passés et à qui on a modestement retourné le cerveau. Parfois quelques semaines, parfois des années : Pauline, Doris, N’Gamet, Jonas, Aurélie Orel-San, Yannick, Emilie, Sonia, Gwenaëlle, Stéphane et Benoît.

Il y a le flamboyant Minh aussi 😉

Dans quelques jours, Aurélie La Grande et Benjamin partent vers de nouvelles aventures.

Pour ceux qui veulent tout savoir, Benjamin va commencer par s’occuper d’éléphants au Laos. Quelque chose comme ça.

Autant dire que cela fait bizarre. Me voilà un peu comme la Vestale, chargée d’entretenir le foyer (eco) avec sagesse (sapiens) en attendant que…

paquebotEn attendant quoi au juste ?

En effet, depuis l’annulation de notre levée de fonds avec WiSeed (prompt à financer des start-ups innovantes genre EDF ou un aéroport public… mais effroyablement longuet pour nous planter au dernier moment…) nous nous sommes accrochés de liane en liane pour maintenir la coopérative à flot.

(Difficile de cacher l’amertume tant, à titre personnel, j’ai la sensation d’avoir été trahi et même d’avoir embarqué des copains dans l’aventure ( Symba, La Louve, Biocoop… on en parlera une autre fois).

Donc nous maintenons le navire à flot. eco-SAPIENS est aujourd’hui comme une page blanche qui aurait remonté le Rhône et le Canal du Midi.
Un seul rescapé, les autres sur les canots.

Et comme chantait Brassens :

Le capitaine crie : « Je suis le maître à bord !
Sauve qui peut ! Le vin et le pastis d’abord !

En un mot, eco-SAPIENS est bien vivant mais on a rentré spi et grand voile…

Du coup, permettez-moi de vous livrer quelques réflexions intimes qui peut-être vous donneront l’envie d’écrire quelque chose sur cette page.

Une petite histoire de l’éco-conso et du web

fidelLe paysage de 2014 est bien différent de celui de 2007 quand nous avons lancé le guide d’achat éthique eco-SAPIENS. Les alternatives à la conso existent depuis bien longtemps et des salons réputés (Primevère à Lyon par exemple) étaient incontournables mais n’avaient pas de visibilité sur le web, hors des réseaux convaincus.

Sur Internet, on trouvaient quelques initiatives (déco du commerce équitable, mode éthique, cosmétiques bio, puériculture écologique…) mais tout ceci était disséminé. Notre hobby, c’était de rassembler tout cela, de le trier, de l’évaluer et d’en faire une offre consistante et cohérente. Et tous les acteurs de gagner en visibilité.

Parallèlement, sur le web, les réseaux sociaux n’existaient pas. Google régnait en maître de la distribution de trafic. On comparait le pagerank et on cherchait des backlinks pour mieux ressortir en première page. Nous avions la chance de produire pas mal de contenu à nous (dossiers, actualités, fiches marques) qui répondait à de vraies questions émergentes.

Je me souviens d’une de nos premières questions sur le forum, pour savoir si les lombrics, esseinia california, vendus par une de nos boutiques, n’étaient pas des vers exotiques. J’avais été demander à un spécialiste universitaire des lombrics pour avoir la réponse

elle-est-green-229x300Il y avait donc un foisonnement d’alternatives que beaucoup de Français découvraient et, même si la littérature existait probablement, elle n’était pas dispo sur le web. C’était comme un eldorado et c’était passionnant.

Il y avait le salon Planète Durable, le festival Science Frontières, l’Ethical Fashion Show et les green drinks… Autant de signes « mainstream » qui laissaient présager que la société française basculait. On a même posé dans Elle Magazine avec Marion Cotillard… Si ce n’est pas la consécration !

En 2009, il y a la douche froide du sommet de Copenhague. C’est à dire que le monde politique international a dit « Suffit ! Business as usual ». Et le business avait pourtant dit « suffit ! » l’année d’avant avec le début de la crise financière, la faillite de Lehman Brothers.

Coup de grâce propre à eco-SAPIENS, il y eut ce coup de téléphone de Google (Irlande) nous sollicitant pour acheter des mots clés  (AdWords). On fait un peu les malins en disant qu’on aime pas trop les modèles publicité sur Internet. Et le nouvel algorithme de Google nous sucre une bonne moitié de trafic dans les mois qui viennent. Hasard ou coïncidence…

En gros, de 2010 à 2014, nous avons redoublé d’efforts et fait comme tout le monde : revoir le commercial et le marketing, délaisser les zones non immédiatement rentables (la production d’information) et réduire nos dépenses de communication.

On a vu tous les copains, les partenaires, les concurrents tomber comme des mouches les uns après les autres. Tiens dernièrement, c’est GreenRepublic, qui s’était relancé pour passer de boutique à marketplace, le soi-disant graal du e-commerce, qui a planté… pour se faire racheter par le mastodonte Greenwizz, la structure capable d’encaisser un million de pertes chaque année…

via-sapiens-pubDe notre côté, et c’est peut-être la force du modèle coopératif, à savoir des associés-salariés qui s’accrochent, eco-SAPIENS avait trouvé un équilibre. Mais vivre ainsi devient lassant et c’est pour cela que nous avons lancé via-sapiens ce qui impliquait de lever un peu d’argent.

En 2007, on n’était rien et le crowdfunding n’existait pas. Nous étions parvenus malgré tout à réunir 35 000 euros de capital extérieur (ce qui nous a quand même permis de salarier environ 4 personnes pendant 7 ans…).

En 2014, on revient à la souscription avec quand même un peu plus de bouteille, un site internet, une marque; bref on est un peu plus à l’aise pour solliciter des investisseurs. Et comme on est devenu paresseux, on veut bien passer par les professionnels du secteur. Et là les galères commencent… Des fonds économie sociale et solidaire qui ne vont pas dans le numérique car trop risqué, des fonds numériques qui ne vont pas dans l’éthique car trop peu lucratif. Et donc une expérience malheureuse avec WiSeed qui nous tétanise.

Alors quelle est la place d’eco-SAPIENS après 2014 ?

Nous avons plaisir à faire des sujets de fond sur l’éco-consommation, comme peuvent en faire nos amis belges d’ecoconso. Mais voyez-vous, cela est coûteux et relève peut-être d’avantage d’une délégation publique. En même temps, quand on voit le guide des labels façon ADEME… on est forcément tenté de rectifier le tir… Précisons que nous n’avons jamais reçu de sous pour Les Bons Labels et les Truands. C’est pour la cause comme on dit !

Bref, proposer une info indépendante et de qualité sur l’éco-consommation, c’est compliqué pour une structure privée. Et certains médias font bien le boulot.

Le comparateur doit quant à lui continuer d’exister. Il doit se moderniser aux nouvelles normes en vigueur sur le web.

Enfin, sur le tourisme et les loisirs, le portail via-SAPIENS est mis en stand-by. Qu’en faire ? Le vendre ? Le relancer ? Le passer en open, à la manière des wiki ou des OpenFoodfacts ?

Peu importe, le seul objectif qui nous gouverne, c’est celui qui est écrit en tant qu’objet social dans nos statuts :

« Promouvoir des modes de vie compatibles avec un développement dit durable« 

Nous sommes ouverts à toute proposition !

 & joyeuses fêtes !

film

Aurélie, Benjamin et Baptiste

Bashing, course au clic et autres aveux de faiblesse

singe-fuck   Un des plus grands mathématiciens, et certainement aussi un des plus grands penseurs, vient de mourir. Et il s’en est fallu de peu pour que le nom d’Alexandre Grothendieck disparaisse à jamais. Peut-être son caractère loufoque, sa vie retirée du monde et brouillée avec tous, a-t-elle justifié l’intérêt des médias pour décider de divulguer sa nécrologie. Ce nom signifiait à mes oreilles un personnage confidentiel, réservé aux quelques passionnés de la réflexion sur la Technique, dont quelques textes circulaient pour ainsi dire sous le manteau…

On parle de lui dans la sphère médiatique, peut-être plus pour son aspect érémitique que mathématique. C’est un syndrome normal dans les médias et surtout Internet : il faut faire du scoop, du bashing, du hoax, du buzz, du speed-listing (« Les 5 villes à visiter », « Les 10 photos de chat les plus drôles »…)

Autre exemple trouvé récemment, un article sur le média Vice a eu un fort succès. Le titre est volontairement provocateur : « Le tourisme est devenu un truc de gros cons narcissiques » et le propos ne faisait pas non plus dans la mesure, tirant certes à juste titre sur ce qu’est devenu le tourisme (et ô combien parlant car qui ne se reconnaîtra pas dans certaines descriptions) mais qui n’interroge pas en profondeur ce que peut être à l’inverse un tourisme durable, responsable, slow….

Nos articles sur via-sapiens, et bien d’autres avant nous bien sûr, creusent depuis longtemps cette question. Notre rapport au temps, notre rapport à l’image et au souvenir, et surtout notre rapport à l’autre, constituent autant de sujets à explorer et à partager. Et cela, l’article de Vice ne le fait pas. Il se contente de bourriner !

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Economiser l’eau sert bien à quelque chose !

Autre article que l’on m’a soumis et qui m’a laissé sans voix, c’est un billet publié sur Consoglobe qui par contre n’a même pas l’avantage d’être plaisant à lire. Malgré son bâclage patent, il tourne sur la toile et l’on se permettra de subodorer un article conçu non pas pour apprendre quelque chose au lecteur mais juste pour doper du « pageview » et du « click » à gogo.

« Economiser l’eau ne servirait à rien !? » Ainsi nous interpelle l’auteur (et fondateur de Consoglobe) avec une ponctuation so teenager : le point d’exclamation pour le côté choc, l’interrogation pour le côté fumeux.

Car oui l’article est une fumisterie.

Des généralités tautologiques introduisent l’article. Le début revient à écrire cela :

« Dans les pays sensibilisés au sujet des économies de ressource, la bonne gestion des ressources est très importante ».

Merci !

Puis vient la raison « scientifique » qui nous vient d’une équipe allemande. Consommer moins d’eau induit une baisse de circulation dans les canalisations. L’eau stagne davantage et favoriserait l’apparition de gaz en suspension qui endommage le tuyau.

A Cologne par exemple où l’eau stagne trop longtemps dans le réseau de distribution, les caves et les sous-sols avant d’atteindre les stations d’épuration, il faut utiliser plus d’énergie et plus de produits chimiques pour la traiter;

J’imagine qu’il faut lire « réseau d’évacuation » et non « distribution »  et je déduis qu’il s’agit du problème très classique du dimensionnement des stations d’épuration. Il est connu qu’à Paris, pendant les vacances d’été où la baisse de population entraîne une baisse de consommation d’eau, le système de traitement est contraint d’amener un surplus d’eau juste pour que le système fonctionne. Une logique qui n’est pas sans rappeler les incinérateurs surdimensionnés qu’il faut « nourrir »  avec des déchets recyclables.

Après l’avis du géologue, on invoque un ingénieur, Hans-Jürgen Leist, avec son rapport « Economiser l’eau en Allemagne est un non-sens ».

Ses conclusions ont bien sûr surprise [sic] et même choqué les écologistes, persuadés de bien faire.

Selon Hans-Jürgen Leist et d’autres scientifiques et d’autres savants [sic : qui sont donc ces savants bien distincts des scientifiques ?], les Allemands ont longtemps été influencés par les nombreuses campagnes publicitaires et informations permanentes sur la sécheresse.  Mais ces informations concernaient les autres pays du monde et personne ne leur a dit que leurs efforts quotidiens n’ont aucun effet sur la situation de l’eau dans le reste du monde. S’il n’est pas mauvais comme on l’apprend à l’école primaire de fermer le robinet quand on se lave les dents ou les cheveux, ces scientifiques nous disent cette économie [sic] sera sans effet dans la lutte contre la sécheresse en Afrique.

dites-le-avec-des-fleursBon alors il y a peut-être vraiment des Allemands qui pensaient que leur robinet puisaient dans les nappes phréatiques de la Somalie… Après tout il y a bien des Français qui pensent que la Lune n’est pas un satellite puisqu’on ne capte pas la télé avec la Lune… Mais je ne crois pas que la faiblesse d’esprit du grand public puisse suffire à discréditer la vertu des économies d’eau.

On est en tout cas ravis que cela ait occupé M Leist. Et d’autres scientifiques. Et même d’autres savants ! Bizarrement, tout ce gratin réuni dit quand même entre les lignes que ce n’est pas mauvais d’économiser… alors que l’on tente de nous expliquer que justement si, que cela a des impacts (vous vous souvenez le gaz dans les tuyaux ?) Il va donc falloir accorder le violon de l’ingénieur et du géologue.

Le prix de l’eau

Un dernier argument pour expliquer qu’économiser l’eau n’est pas forcément une bonne chose ? En fait vous ne le saviez pas, mais consommer moins d’eau c’est payer plus cher…

Pourquoi ?
Par [sic] les coûts d’approvisionnement en eau sont fixes et que c’est avec les recettes issues de la vente de l’eau qu’on peut amortir les énormes investissements du réseau d’eau potable et d’assainissement. Moins de litres d’eau pour absorber les coûts, c’est un prix par litre qui augmente.

On se demande même pourquoi tout le monde n’ouvre pas les vannes à fond les ballons afin d’atteindre la gratuité de l’eau !

arabie-saouditeAborder en quelques lignes les enjeux autour du traitement de l’eau, les économies d’échelle, les effets de seuil et même la question du mode de gestion (régie publique ou système privé) n’est pas raisonnable.

Pour avoir participé au forum mondial de l’eau, je peux témoigner que les enjeux industriels et financiers sont immenses et que les lobbys associés sont puissants. Je rappelle par exemple que nos champions français de l’eau aiment à jouer les indignés sur ce tiers-monde qui ne peut même pas avoir des toilettes à l’occidentale… c’est-à-dire qui gaspillent des dizaines de litres d’eau potable pour quelques gouttes de pipi. Mais on s’éloigne du sujet. En tout cas quid prodest ?

Le sujet abordé est le même que celui évoqué plus haut à savoir le dimensionnement de nos stations. De la même manière que l’on a équipé les ménages français avec du chauffage électrique parce qu’il fallait bien « rentabiliser » notre surproduction nucléaire. Comme pour l’électricité donc, il est peut-être temps de repenser nos installations sanitaires globalement…

Mais lisons la suite de ce laborieux article.

La consommation quotidienne en eau d’une famille française [sic] est de :

  • 900 litres à Dubaï
  • 375 litres aux Etats-Unis
  • 170 litres en France, Italie et Grande-Bretagne
  • 120 litres en Allemagne

Evidemment, il s’agit d’une famille tout court. A moins que l’on aille inspecter les consommations d’eau des familles françaises vivant à Dubaï… Et l’on va supposer, puisque cela n’est pas précisé, que toutes ces familles sont constituées de 4 personnes.

Une famille allemande, qui consomme environ 184 000 litres d’eau par an, est donc bien aqua-sobre.

Bigre ! Petit problème quand même : 120 L x 365 jours donne 43 800 litres et non pas 184 000 litres. C’eut été la moindre des choses que de s’accorder au moins sur ses propres chiffres.

Le plus cocasse est à venir :

Cela n’a pas fait baisser le prix de l’eau en Allemagne pour autant, au contraire, le prix est passé de 185 euros en 2005 à 205 €[sic] en 2013. Un argument sur lequel s’appuient ceux qui nient l’utilité des économies d’eau

La logique rationnelle en prend un coup. Il semble que l’auteur n’a pas été effleuré par l’idée que d’autres facteurs puissent expliquer une hausse du prix de l’eau… Ne serait-ce que l’inflation… 10% d’augmentation avec une inflation globale de 10%.

Je ne sais pas si par exemple, vous avez regardé vos factures de gaz mais sur mes dernières, j’ai consommé moins et pourtant j’ai payé plus ! J’ai découvert qu’on avait augmenté l’abonnement, que les taxes avaient augmenté aussi. A ce propos, je me permets de rappeler un de nos articles : Les villes françaises consomment moins d’énergie mais ne voient pas la facture diminuer ! On va peut-être nous expliquer que ce sont les bulles de gaz qui encombrent les câbles électriques parce que l’on consomme moins d’électricité… Je suis mesquin !

Cela ne semble par [sic] perturber les habitudes des citoyens allemands qui sont plus de 50% à être déterminés à continuer à réduire leur consommation d’eau, par principe et par respect de l’environnement et des générations futures. C’est bien plus que dans les autres pays européens : entre 30 et 38% en Italie, Espagne, France et Angleterre.

Qu’est-ce que c’est que ce sondage ? A ma connaissance, les études d’opinion sur ce sujet (Ademe, ethicity) montrent toujours une massive adhésion aux écogestes. Si quelqu’un a la source (d’eau !) je prends .

Viennent deux paragraphes surréalistes

Une enquête menée dans la partie est de Berlin a même montré que très peu de personnes sont prêtes à changer leur point de vue : c’est là où on peut trouver des personnes qui disent ne pas prendre plus de 3 douches par semaine par souci écologique ou d’autres qui limitent leur durée de douche à quelques courtes minutes.

Par ailleurs, un organisme public comme la Berliner Wassertriebe s’est engagé dans la lute [sic] contre la contre la stagnation des eaux usées et a créé un groupe de travail appelé « l’odeur et la corrosion » pour s’attaquer à l’insuffisante circulation de l’eau et la stagnation des eaux usées par l’utilisation de sels et de panneaux filtrants et déodorants.

Et si vous aimez toujours les listes à la Prévert !

On ne sait pas qui aura le dernier mot dans ce débat sur l’utilité des économies d’eau dans nos pays. On verra bien qui a raison avec les futures études mais en attendant, personne ne peut nier le caractère précieux d’une ressource qui se fait rare en bien des points de la planète. Le réchauffement climatique (sans aller jusqu’à parler de la fragilité d’un écosystème planétaire dont l’eau peut s’échapper comme en témoigne la planète Mars) ne peut que nous inciter à respecter une ressource à laquelle nous devons la vie.

En France, on continue à faire des efforts d’économie. Par exemple l »agence[sic]  de l’eau Rhône Méditerranée Corse lance ce jour un appel à projets avec 20 M€.

L’évaporation sur Mars, l’appel à projet d’une agence de l’eau, les banalités sur le fait que l’eau c’est précieux… j’avoue avoir cherché un fil conducteur. En vain.

Voilà voilà j’en ai fini. Ceux qui connaissent ce blog savent qu’on est pas des adeptes du règlement de compte. Si je me suis permis d’épingler cette publication en particulier, c’est aussi qu’elle émane d’un site qui prétend aider les internautes à mieux consommer. De notre côté et avec nos modestes moyens mais nos prétentieux idéaux, nous avons toujours fait attention au contenu de nos publications. Nous sommes humains et nous pratiquons parfois, consciemment ou inconsciemment, les petites recettes de comm sur le web. Mais j’espère au moins que sous prétexte de bashing un peu racoleur, vous nous quitterez un peu moins bête.

Sur les économies d’eau, vous ne vous ferez plus avoir par les faux sceptiques 😉

 

Bonus : quelques chiffres vérifiés sur l’eau

Quand on consulte les statistiques sur l’eau il faut savoir de quoi on parle ce qui n’est pas forcément évident. D’abord parce que l’on peut raisonner soit sur le prélèvement (la « production ») soit sur la « consommation ». C’est un peu comme pour l’énergie.

Les choses se corsent dans la mesure où la consommation des ménages ne représente qu’entre 15 et 17% de l’utilisation. Une immense partie file vers l’énergie (encore ces centrales nucléaires) et l’agriculture.

Cela se complique encore si l’on inclut dans la consommation « par personne » la consommation liée aux équipements publics (écoles, hôpitaux, entreprises…)

Ainsi, si tout le monde s’accorde globalement pour une consommation personnelle et domestique de 150L par jour, il faut rajouter 200L si l’on considère la consommation personnelle non domestique.

En tout cas, la différence entre France et Allemagne, en L/jour/personne est plutôt 150 vs 130 et non 170 vs 120.

Il y a donc par ordre décroissant pour un Français :

  • une « empreinte eau personnelle » : elle est immense car elle intègre la consommation de biens et services : 1875 m3/an soit 5 140 L/j
  • un ratio « prélèvement/habitant » : 540m3/an soit 1500L/j
  • une consommation personnelle : 350 L/j
  • une consommation domestique : 150L/jour

Bref, il y plus qu’un facteur 30 entre votre robinet personnel et votre empreinte eau globale. Et comme d’habitude avec ces manipulations de grands chiffres et de grandes échelles, ce n’est pas parce que c’est anecdotique qu’il ne faut rien faire. Oui l’agriculteur à côté de chez annihilera tous vos efforts, mais il produit des légumes pas vous (et il ne consomme pas le même type d’eau que vous et il peut aussi faire des efforts…). Oui la centrale nucléaire engloutit des millions de m3 mais elle produit de l’électricité (avec un rendement minable certes mais c’est une autre histoire) et une bonne partie de cette eau retourne à la rivière. Et on oublie pas les canalisations gérées par nos champions de l’eau mais qui fuient comme des passoires. Environ 30% de perte lors de l’acheminement !

Bref, malgré tous ces dysfonctionnements et votre petitesse de colibris qui ne prenez qu’une goutte, vous, simple particulier, vous utilisez souvent une eau qui a patiemment mûri ou voyagé Elle mérite toute notre attention. Comme pour toute action collective… les petits ruisseaux font les grandes rivières !

Pinocchio n’aime pas Pur Projet (on branle le mammouth)

flowerC’est une histoire qui nous tiraille.

Comme chaque année depuis 5 ans, nous nous amusons à relayer le prix Pinocchio. A la manière des Gérard du cinéma, il s’agit d’une cérémonie parodique mais qui récompense les pires pollueurs de l’année. C’est un exercice potache qui a tout de même une vertu pédagogique puisque de sérieux enjeux sont ainsi mis en lumière. Ainsi de l’accaparement des terres (sujet dramatique mais peu traité) ou du rôle de la finance dans la destruction environnementale.

Initié par les Amis de la Terre, une des plus vieilles ONG et certainement parmi les plus « pures », le prix Pinocchio s’attaque aux éternels méchants du pétrole, du charbon, du nucléaire et de la chimie et. Pour y avoir assisté une fois en vrai, dans un petit café parisien, on passe un bon moment même si on sait à l’avance que cela n’aura pas changé la face du monde.

Qu’importe, le plaisir et l’humour permettent de ne pas sombrer dans l’acharnement militantique !

Cette année il y a un nominé surprise !

Il est nominé contre son gré. Il n’est pas content. Et il le dit. Sur le banc des accusés donc, entre EDF, GDF, Perenco, Samsung, Shell, Total et Crédit Agricole il y a… Pur Projet.

chocolatPur Projet, vous connaissez peut-être si vous mangez du chocolat équitable Alter Eco. En effet, la célèbre marque-de-commerce-équitable-disponible-en-grande-surface, fondée par Tristan Lecomte, arbore un picto « Produit Compensé Carbone » . Et cette compensation carbone se fait dans le cadre d’une société créée par Tristan Lecomte nommée The Pure Project. Et tout bon « english fluent » aura compris que la société française The Pure Project est derrière la marque Pur Projet.

Si vous n’avez pas compris, relisez-donc, je vous assure que la phrase est correcte.

C’est donc la deuxième fois que Tristan Lecomte met les pieds dans le plat. D’abord en « vendant son âme » à la grande surface avec le commerce équitable façon Alter Eco. Et maintenant en absolvant les pollueurs à qui il propose de planter des arbres pour leur offrir une image écolo.

Sur leur site, les Amis de la Terre n’y vont pas avec le dos de la cuillère:

kangourou-roadC’est précisément ce que fait Pur Projet dans la région de San Martin, au Pérou, prétendument à la demande et au bénéfice des communautés locales. En réalité, la logique de ces projets se heurte à la réalité et aux besoins des gens.

Ces projets reposent sur un montage financier et contractuel complexe. A San Martin par exemple, à chaque arbre planté ou à chaque parcelle de forêt protégée est attaché un contrat carbone, signé entre un propriétaire foncier (État ou communauté) et des coopératives de producteurs de cacao ou de café.

Pur Projet signe ensuite avec ces coopératives des contrats de transfert exclusif pour 80 ans des droits sur le carbone, afin de les revendre à des entreprises polluantes en quête de « pureté carbone ». Le gouvernement régional ne perçoit aucun bénéfice sur cette revente. Et les communautés locales n’ont absolument aucune idée des montants générés par ce marché, ni n’en connaissent les clients finaux et leurs motivations.

Dans les forêts aujourd’hui sous contrat exclusif avec Pur Projet vivent des centaines de migrants, établis en communautés au fil des ans : ils ont fui les provinces minières, où leur terre était devenue incultivable. Mais faute de droits fonciers reconnus, pas de consultation sérieuse : impossible donc de s’opposer au gel de leurs forêts.

Pur Projet clame haut et fort qu’il ne s’agit pas là d’une forme d’accaparement des terres. Mais pour générer les précieux crédits carbone, il faut bien ralentir la déforestation. Idéalement en mettant en place des activités alternatives. Et au besoin, en empêchant l’accès des communautés aux ressources naturelles dont elles dépendaient traditionnellement pour vivre. Pur Projet a ainsi prévu un budget de 150 000€ pour « l’action en justice contre les invasions des migrants dans l’aire de conservation ».

kenyaBon. Ça la fout mal…

Bien avant la nomination, j’avais eu vent du droit de réponse que s’apprêtait à publier Pur Projet. Celui-ci est disponible ici (complété avec les réponses des Amis de la Terre). J’imagine que vous n’avez pas le temps de rentrer en profondeur dans cette querelle de clochers alors je me permets de la résumer à ma façon.

Sommairement, Pur Projet est vexé parce qu’ils se donnent beaucoup de mal pour faire du bien et que Les Amis de la Terre ne veulent pas le voir. Pur Projet accuse Les Amis de la Terre d’avoir réalisé une contre-enquête en dilettante… ce qui est évidemment faux quand on voit la matière fournie par l’ONG environnementale.

M’est avis que le quiproquo repose in fine sur deux conceptions très différentes et pas nouvelles du tout concernant le « développement » . Pour Pur Projet, on reste dans une vision très occidentalisée où l’on utilise les mécanismes de marché mondiaux pour amener le progrès dans des communautés amérindiennes. Les Amis de la Terre sont partisanes « laissons-les tranquille afin qu’ils choisissent eux-même leur voie de développement; d’abord ne pas nuire » .

En un mot : Pur Projet est dans une approche paternaliste, Les Amis de la Terre sont dans une approche d’empêchement des nuisances (réglons d’abord nos problèmes d’occidentaux pollueurs avant d’expliquer aux autres comment protéger leur forêt).

baiserPersonnellement, je ne vais pas me cacher et considère que c’est cette dernière approche qui me convainc le plus. Croire que les populations autochtones peuvent ou doivent s’approprier les mécanismes de compensation carbone me rappelle ce rêve ambigu du micro-crédit qui vise à bancariser (et endetter) 7 milliards d’être humains…

Le général de Gaulle surnommait les Nations-Unies « Le Machin » . Un copain qui a participé au montage initial de la compensation carbone me disait que c’était devenu « un monstre » . Les Amis de la Terre n’ont pas attendu Pur Projet pour alerter sur la dérive de l’initiative REDD (Reducing Emissions from Deforestation) portée par l’ONU en partenariat avec le marché carbone.

Un Machin Monstrueux donc.

C’est bien parce qu’il n’existe aucune logique scientifique rigoureuse derrière la volonté de générer des crédits carbone REDD, que les discussions autour de ce mécanisme achoppent au niveau international et que l’Union Européenne a annoncé un moratoire sur les crédits carbone REDD

Trouver un compromis entre des pays, des communautés autochtones, des entreprises pollueuses est un projet louable. Mais c’est un projet schizophrène. Même l’Europe n’est pas convaincue. Même Pur Projet reconnaît du bout des lèvres quelques problèmes.

Au-delà du fond théorique sur lequel nous nous sommes d’ailleurs prononcé dès 2008, je me fais toujours la même réflexion quant à la motivation de se lancer dans un tel business. Le fait-on par passion de sauver la forêt et les peuples autochtones ? Ou le fait-on par opportunisme. Je veux dire, si on est attaché aux forêts, on doit dénoncer par exemple Vinci qui a une attitude scandaleuse en Russie (forêt Khimki) et plus proche de nous sur le patrimoine naturel de Notre-Dame-des-Landes.

Bref, si on s’appelle Pur Porjet, la seule chose à clamer c’est « Vinci Dégage » et pas

VINCI, de son côté, s’était engagée à replanter un arbre pour chacun des 180 000 employés du groupe
[on imagine la fierté de chaque employé qui au pu fanfaronné « Aujourd’hui j’ai planté un arbre au Pérou ! »]

Nestlé, Safran, Accor, Clarins, Cogedim (centres commerciaux), Société Générale et caetera et caetera ad nauseam.

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Les partenaires de Pur Projet

Donc oui les Amis de la Terre ont raison, c’est bien du greenwashing et Pur Projet mérite d’être nominé. Mais comme nous le disions au début, nous sommes tiraillés. Il y a aussi des gens biens qui font du Pur Projet. On en connaît et on même été démarché récemment par quelqu’un de sympathique qui propose des bracelets en bois français dont la réelle portée symbolique est justement une participation financière à une reforestation. Bref, Pur Projet peut aussi ne pas être un alibi. Cela peut-être une cerise sur le gâteau. Tiens il y a même Veja qui n’a pas grand chose à se reprocher (cf notre billet on d’ailleurs on se moquait de la marque de chaussure Faguo qui déjà pratiquait l’absolution par l’arbre planté)

automneEn rédigeant ce billet, il se trouve que je croque un carreau de chocolat Alter Eco (qui fait une excellente tablette « à la fleur de sel ») et, effet madeleine de Proust, je me rappelle le seul échange que j’ai eu avec Tristan Lecomte lors d’une intervention sur le micro-crédit et le commerce équitable devant des étudiants en commerce. Je lui avais demandé ce qu’il pensait des critiques formulées à l’égard du commerce équitable.

Droit dans ses bottes, avec son sourire de cow-boy qui ne doute de rien il m’avait dit « Ces gens-là on s’en fout, ils branlent le mammouth » . J’ignore pourquoi mais je suis resté coi. Soit par l’expression fleurie que je découvrais, soit par cette assurance d’homme qui ne doute jamais de son bon droit.

Alors il y aura encore et toujours des gens qui « branlent le mammouth ». Et peut-être même que ces gens-là sont les mêmes qui inlassablement interpellent sur l’état de la planète et sur les inégalités des richesses qui ont nourri un moment donné les indignations de Pur Projet. Hélas, ces branleurs de mammouths, en plus d’alerter et de proposer, ont la fâcheuse tendance à dénoncer les fausses bonnes solutions.

recuperateur-semence

A quoi servent les guides de haut brouillard ?

hamsterFaut-il être optimiste ? Faut-il être pessimiste ? Le vieux Hegel se régalerait à dire que nous pouvons recourir au Aufhebug : dépasser le pessimisme, bien légitime compte tenu de la situation sociale et écologique, par un optimisme de principe afin de passer à l’action et s’ancrer ainsi dans le réalisme.

Autre formulation : « Là où croit le péril croît aussi ce qui sauve ». (Hölderlin)

Ou encore : « Ce n’est pas parce que les utopies échouent qu’il ne faut pas les approcher ».

La dernière ?
On annonce dans les journaux que la moitié des espèces sauvages a disparu en 40 ans !

Oui il est temps de tenter le « journalisme positif » (ce que fait le journal Kaizen, et ce qui a intéressé cette semaine l’émission arretsurimages).

Nous revient cet excellent souvenir d’un journaliste, Gaël Legras, qui était venu nous filmer à Marseille pour Canal Plus. Dans un TedX plutôt émouvant, il explique pourquoi les médias, et notamment la télévision, ne mettent jamais en avant ce qu’il peut y avoir de beau dans l’humain…

Rien à voir mais nous avons reçu la dernière publication de l’ADEME concernant les labels de l’éco-consommation.

zen-footPour nous, l’ADEME, c’est un peu l’institution nationale qui doit être impartiale et claire, à force d’études et d’expertise. Il se trouve que cette Agence nationale, connue pour son assise sur les questions énergétiques, possède aussi un pôle éco-consommation. Côté coulisses, comme l’éco-consommation c’est un peu notre dada, nous avons plusieurs fois tenté d’aborder l’ADEME pour des partenariats, et notamment sur cette question des labels.

Car, si nous pouvons nous enorgueillir d’une chose, c’est bien du succès de notre guide « Les bons labels et les truands« .

Distribué sur de nombreux salons, réclamé sur par de nombreuses associations, vu et téléchargé des dizaines de milliers de fois, il nous arrive de le rencontrer au hasard, chez des gens, dans des bureaux, dans des salles d’attente !

baiserMême si le titre est un fort habile jeu de mot (merci à Charly des pouletsbicyclettes), le succès est à trouver ailleurs. C’est un guide qui « prend position », qui donne une direction, un endroit où aller. Pour revenir à Hegel, c’est un objet réaliste !

Nous avons régulièrement épluché les guides labels de l’ADEME, environ un par an. Et il faut bien avouer que ce genre de publication ne peut pas trouver de public.

Ils ont classé les labels non pas par pertinence mais par « catégorie de produits ». Vous apprendrez donc cette chose très importante à savoir que le label AB se retrouve plutôt dans l’alimentation, et que sur les jouets, vous ne verrez que Nordic Swan… ce qui est faux d’ailleurs puisque de nombreux autres labels se retrouvent dans cette catégorie Jouets.

Chaque fois, nous espérons que l’ADEME nous lise un peu pour se corriger. Par exemple, nous écrivions à propos du label plus que bof, « Rainforest Alliance » ainsi décrit par le guide de l’ADEME :

rainQue veut dire ce logo ?
– commerce durable* (milieu tropical et subtropical),
– interdiction d’utiliser des pesticides non autorisés,
– évitement maximal des cultures transgéniques (introduction, culture ou transformation),
– pratique de la chasse, de la capture ou du trafic d’animaux sauvages interdites…
* Le commerce durable ne garantit pas de prix minimum pour les produits mais inclut le salaire minimum national.

Honnêtement, si vous n’êtes pas spécialiste du sujet, il y a de fortes chances pour que vous vous fassiez avoir. Mais avec un peu d’habitude, on réalise bien que ce label est une fumisterie. Interdit est un synonyme de non autorisés, l’évitement maximal n’est qu’une formule élégante pour dire « on fait comme on peut, comme on veut » et on ne voit pas pourquoi la récolte de café entrainerait du trafic d’animaux sauvages… Et évidemment, le « commerce durable » qui respecte la loi en recourant au salaire minimum national.

En résumé, si on veut aider le consommateur à s’y retrouver, un guide doit dire « Ce label ne garantit rien ».

Et aussi, ce qui est agaçant, c’est que l’ADEME est à l’origine d’un label qui s’appelle ecolabel européen, qui est une heureuse initiative d’harmonisation européenne mais qui a toujours été un point de désaccord entre eux et nous (car oui nous avons déjà fait des tables rondes avec l’ADEME sur ce sujet).

La nature de ce label est de s’adapter à chaque secteur et inévitablement, en fonction des domaines d’application, le label peut apporter une vraie garantie (peintures notamment) mais est parfois bien léger par rapport aux labels spécialisés (par exemple la cosmétique face à Cosmebio, la papeterie… même le WWF le dit).

 

Autre nouveau venu dans ce guide, c’est le label « Issus d’une exploitation de Haute Valeur Environnementale« . Le néophyte se dit chouette; l’expert renifle à plein nez le label de bric et de broc. Une référence à « Haute Qualité Environnementale » qui est déjà un label très bof dans le secteur du bâtiment. Le terme « Exploitation » au lieu de « Ferme » qui rappelle le vocabulaire des gros syndicats agricoles.

lesbonslabelsEt une rapide recherche nous confirme que c’est bien une mention issue du Grenelle de l’Environnement où l’on a tenté de ranimer le bon vieux concept d’agriculture raisonnée qui n’existait que pour contrer le dynamisme du label Agriculture Biologique. Contrairement à ce qu’indique la brochure de l’ADEME, nous défions quiconque de me trouver ce label dans un magasin de produit biologique, voire dans un magasin tout court !

A notre humble avis, le rôle d’une agence nationale en matière d’éco-consommation est bel et bien d’orienter les acheteurs que nous sommes vers les produits mieux-disant socialement et environnementalement. En mentionnant des labels n’offrant aucune garantie sérieuse, on ne fait que du recensement, mais pas du conseil.

Loin de nous l’idée de considérer que nos publications détiennent La Vérité. Nous avons toujours revendiqué une part de subjectivité, mais nous sommes toujours capables d’expliciter un positionnement. Par exemple, suite à la récente polémique à propos de Max Havelaar, nous nous sommes interrogés sur la nécessité de réévaluer notre note. Nous avons aussi longtemps penser à référencer tous les labels bidons et nous avons parfois fait une fiche (Sustainable cleaning, conso responsable Leclerc ) mais cela vaut-il vraiment le coup. Il existe tellement d’initiatives farfelues que nous le faisons uniquement quand le logo se répand effectivement.

Mais peut-être qu’un jour, ils auront tous droit à leur affiche. Et là nous pourrons dire : « voici tous les labels que vous pouvez fuir« .

Et avec un peu de chance, ce sera diffusé par l’ADEME ?
Il y a juste un petit Aufhebung pour y parvenir !

Un copain en visite au siège social de Qechua nous a envoyé ce clché !
Un copain en visite au siège social de Quechua (marque Décathlon) nous a envoyé ce cliché !

De la presse et de la presse environnementale

journalismCeux qui s’intéressent au devenir de la presse et du journalisme le savent. Ce secteur est en crise et nos grands titres nationaux, en plus de perdre de l’argent, siphonnent des subventions conséquentes (16 millions pour Le Monde ou Le Figaro,). Ces aides à la presse sont disponibles sur le site du gouvernement et ont été commentées avec ironie par le journal Le Monde Diplomatique. C’est vrai que 7 millions d’euros pour Télé 7 jours, c’est grinçant…

Ce naufrage général est d’autant plus étonnant que ce sont des industriels et les grandes fortunes qui rachètent les journaux. Et comme on ne comprend pas bien pourquoi des professionnels du profit se mettent à investir dans des poches perdues, quiconque a encore du bon sens en déduit que c’est pour une autre raison…

Mais en plus de l’Etat et des grandes fortunes, les journaux et magazines se financent largement avec la publicité… et étant donné leur coût, il n’y a que les grands groupes qui peuvent s’offrir de belles pages de réclame.

Cette critique de la presse n’est pas nouvelle mais elle en dit long sur nos sources d’information, même celles que nous pensons être des « références ». Par exemple, j’ai toujours été traumatisé par le contenu des pages Planète du journal Le Monde qui parle de séisme et de météo… mais point de crise environnementale !

Je ne résiste pas au plaisir d’indiquer un des derniers titres « Ebola : un impact économique « catastrophique » envisagé par la Banque mondiale« . Le titre et le contenu, sans le vouloir, sont d’un cynisme ahurissant. Une épidémie ? Mince  ! Cela fait chuter le PIB…

Couv-Actu-1A propos de misère, un nouveau journal est sorti récemment. Il se nomme « Debout » et eu droit à une intronisation bienveillante de la part d’autres journaux. Il s’agit d’un journal gratuit qui donne des infos pratiques pour les précaires. Des bons plans pour les pauvres au quotidien : « Être épaulé dans sa recherche d’emploi »?; « Obtenir la CMU » (couverture maladie universelle)?; « Électricité?: comment faire baisser sa facture » nous indique le journal La Croix dans une interview de la fondatrice.

Alors on retombe sans fin sur l’éternel débat : doit-on s’attaquer aux symptômes ou aux causes… ou les deux en même temps ?

J’ai peut-être l’esprit tordu mais selon moi ce magazine fait plus de mal que de bien en jouant sur la fibre caritative. Certes des personnes en difficulté oublient de demander certains droits mais le message est clair : « les inégalités se creusent et cela va de plus en plus mal ; alors on ne vous demande pas de changer le système mais de tirer votre épingle du jeu ».

A titre d’exemples, je ne crois pas qu’il soit souhaitable d’envoyer les chômeurs dans l’entrepreneuriat ! C’est un débat archi-connu, notamment avec l’ADIE (Association pour le Droit à l’Initiative Ecnomique) et les deux points de vue s’entendent. Il y a le court-termisme (« montez votre entreprise de vente de bijoux, ca vous occupera et fera baisser les statistiques de Pole Emploi) et long-termimse (comment s’organise-t-on pour rééquilibrer le temps de travail et les inégalités ?).

Le modèle économique est incertain mais comme le magazine est gratuit, on se doute qu’il y aura des partenairess financiers en mode publicité ou publi-rédactionnel. J’ai manqué de m’arracher les cheveux quand j’ai lu qu’il y auraiit des mécénats rédactionnels avec EDF pour l’article « baisser sa facture électrique ». EDF, l’entreprise qui nous a vendu le chauffage électrique… Parlez-en aux experts de la précarité énergétique

Bref, Violaine du Châtellier, Alix de Saint-Aulaire, Olivier Saint-Jullian ou encore Geoffroy de Sesmaisons me rappellent ces dames qui nous faisaient le catéchisme. Des gens certainement très biens et de bonne volonté mais un peu navrants avec leurs gros souliers emplis de charité et de bons sentiments châtelains.

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Le lendemain, je découvrais l’appel à l’aide de Terra Eco. Terra eco, pour les connaître depuis le début, c’est un magazine qui est passé de l’économie à l’écologie en faisant le pari d’un format grand public. Honnêtement, ce pari de vulgarisation est réussi et la qualité esthétique est au rendez-vous. Je ne peux qu’encourager à soutenir (dons, abonnements, mécénat) parce que c’est un titre précieux dans le paysage de la presse.

Objectif : 500 000 € pour sauver Terra  Eco et rentrer dans l’Histoire.

siteon0-4d1bbHélas, les magazines traitant des questions sociales et environnementales totalement indépendants sont rares et parfois confidentiels. La plus grande surprise vient de Reporterre (fondé par le journaliste Hervé Kempf qui quitta Le Monde) qui parvient à tenir un rythme effréné de publications et de portraits toujours intéressants.

Eux aussi comptent sur le soutien des lecteurs et chaque don compte pour garantir l’indépendance de la petite équipe rédactionnelle.

Quant aux  vieux titres qui ont mon affection depuis le début (L’Ecologiste, La Revue Durable, S!lence, la Décroissance, l’Âge de Faire devenu Demain en mains) ils vivent et vivotent par la force leur histoire et de leur engagement. Ils font du bien car ils montrent qu’une autre information est possible, plus patiente, plus dans le long terme.

J’espère que Terra Eco et Reporterre auront cette chance de passer du côté des vieux… de la veille !

(cf aussi ce billet publié il y a an qui pronostiquait déjà une belle vie à Reporterre )

Pourquoi les hommes préhistoriques ne dessinaient pas la flore

Banksy
Banksy

Au moins les vacances ont cette vertu de nous emmener là où nous n’allons pas d’habitude.

Prenez par exemple les grottes. On y va trop peu.

La France est un pays qui regroupe près de la moitié des grottes préhistoriques découvertes à ce jour. Alors certes, on les ferme car, comme toutes les choses auxquelles l’homme touche, on les dégrade et il faut donc les protéger. Lascaux a sa réplique, le Roc-aux-Sorciers a sa réplique et bientôt la grotte Chauvet, la perle des perles aura la sienne.

En sortant de Lascaux II, une visiteuse témoignait de la chance qu’elle eût enfant à pouvoir déambuler dans la vrai grotte de  Lascaux. Elle disait que tout le monde touchait les peintures, ramenait des cailloux souvenirs. C’était il y a 50 ans. C’était hier.

A cette époque aussi, le public découvrait un film-documentaire primé au festival de Cannes. Dans Le Monde du Silence, emmenée par le commandant Cousteau, la Calypso grattait les éponges sous-marines, massacrait à la hache des requins, dynamitait des bords de mer, crevait un poisson diodon, achevait un bébé cachalot et pique-niquait assis sur des tortues géantes…C’était en 1955. C’était hier décidément.

Banksy
Banksy

Les grottes menacées, nous les avons mis sous cloche. Les animaux menacés, nous les avons mis derrière les barreaux.

Je me souviens de ce livre sur « l’extinction en masse des espèces » qui permettait de relativiser notre faculté anthropocentrique à détruire tout ce qui nous entoure. L’homme préhistorique, l’aborigène, les premiers indo-américains… ca n’a pas fait un pli ! La mégafaune endémique s’est volatilisée dès son arrivée.

Et voilà qu’aujourd’hui, nous détruisons, de par notre respiration même, les vestiges de l’Histoire. De notre Histoire.

Une des rares grottes accessible au grand public pour apprécier d’authentiques peintures préhistoriques est Cougnac, dans le Lot. Même si la réplique Lascaux est au millimètre, on ne sait l’expliquer mais l’émotion n’est pas la même quand on contemple les peintures véritables à Cougnac ! 20 000 nous font face ! Sans tricherie !

Contrairement à l’idée reçue, nos ancêtres Cro-Magnon ne vivaient pas dans les grottes. Ils y allaient uniquement pour leur rituel artistique, chamanique, religieux (?). Et déjà ils détérioraient les beautés minérales des stalagmites centi-millénaires pour se frayer un passage vers la paroi idéale.

Comment leur en vouloir ?

Banksy
Banksy

Comment en vouloir à Cousteau qui pareillement dégradait pour la beauté de l’image ?

Repenti plus tard, lui-même ne disait-il pas qu’il n’avait qu’un seul espoir : « J’ai vu des choses merveilleuses mais qui disparaissent. J’aimerais tant que la génération après moi ne dise pas la même chose. »

Caramba ! Encore raté !

Ce qui surprend à propos des fresques préhistoriques, c’est l’absence totale de représentation végétale. Des bisons, des rhinocéros, des chevaux, une poignée de mammouths, aucun renne (alors que cet animal représentait 90% de leur nourriture animale)… mais pas une fleur ou un arbre !

Trop commun ? Pourtant, les arbres sacrés ont du également exister.

Les paléontologues tentent encore de percer ce mystère…

Mais les vacances sont finies et avec la rentrée, je n’aurais certainement pas l’occasion de fréquenter quelque grotte.

Alors heureusement avec la rentrée aussi, on a l’occasion d’aller dans des endroits inhabituels. Cela s’appelle les grandes messes du demain sera un monde meilleur !

Sea Shepherd - Massacre de cétacés au Danemarj
Sea Shepherd – Massacre de cétacés au Danemark

Cela s’appelle Forum Convergences, Forum Economie Positive, Ateliers de la Terre, Universités de la Terre,…

Quand on découvre le concept on trouve cela excitant ! Enfin un « carrefour de réflexion » mêlant des personnalités de tout horizon, les utopistes comme les représentants de la World Company. Des directeurs d’ONG et des directeurs de multinationales.

L’aventure humaine réconciliée le temps d’un week-end, prêt à discuter pour un avenir brillant, a en plus le mérite de se dérouler généralement dans un lieu prestigieux (UNESCO, Méribel, Centre de Congrès…) et on repart avec des petits cadeaux des sponsors (Un bloc-notes BNP, un stylo Axa, une clé USB Novartis…)

Vous voyez le topo ? Honnêtement, si vous ne l’avez jamais fait, c’est une expérience intéressante. Pendant deux jours, les primo-responsables de la crise écologique, sociale, sanitaire et économique passent pour des personnes de bonne volonté.

Mais dès la 2ème fois où l’on ré-entend la parole de Mohamed Yunus après celle de Jacques Attali, puis celle de Pierre Rabhi puis celle de Jeremy Rifkin… on finit paradoxalement par ne plus croire en rien.

A titre personnel, je suis exaspéré de toujours voir une personne comme Jacques Attali invité à ces cirques conférenciers. Cet homme est tellement symptomatique de la pensée caméléonesque qu’il est l’absence de pensée même. Eh oui, le caméléon n’a pas de couleur. Et aussi frappant que cela puisse être, Jacques Attali n’a pas de pensée. Ce qui est dommage pour un un homme intelligent. Je crois que c’est Clausewitz qui disait « quiconque a du génie est tenu de s’en servir. » Et cet homme ne s’en sert pas (sauf pour lui bien entendu…)

La Decroissance
La Decroissance

Dernier exemple en date (parmi des centaines d’autres), ce chantre de la « libération de la croissance » disait tout le bien de son poulain récemment nommé ministre de l’économie dont on sait qu’il fut intronisé à la banque Rothschild. On m’expliquera comment quelqu’un qui a œuvré pour le rapprochement de Nestlé des laits infantiles Pfizer (deux multinationales on ne peut plus nuisibles aujourd’hui) et qui demande à revenir sur les 35h (quel progrès que de demander aux quelques actifs restants de travailler plus…) puisse réellement changer de Weltanschauung juste en papotant 15 minutes avec Pierre Rabhi. Pierre Rabhi qui ne souhaite pas « libérer la croissance » mais souhaite au contraire que l’homme se « libère de la croissance » !

On m’objectera que la rédemption existe ou que le monde n’est pas manichéen. Oui mais quand tout cela se répète ?

Je suis rude ? Je suis surtout rude envers moi-même qui la première fois ai cru à ce genre de sketch.

Cette année encore, les banksters et les filousophes vont daigner partager un bout d’affiche avec quelques acteurs sincères de la transition… Et à la fin tout le monde de repartir chez soi le soir business as usual.

Dans ces grandes messes à la gloire du progrès et des green tech, on est au milieu des banquiers. Le Forum de l' »économie positive » (concept fumeux pour un bel aveu sur ce qu’est l’économie d’aujourd’hui… c’est à dire négative) en est le meilleur symptôme. Cela sent la banque, la finance et l’assurance de partout. Ca sent le froid et l’obscurité et on se dit qu’ici aucune fleur ne poussera.

Et me revient alors cette idée fugace. Si l’homme préhistorique ne dessinait pas de végétaux dans les grottes, c’est tout simplement qu’aucune fleur ne peut naître dans les ténèbres.

cougnac