Suite à ce billet, j’ai pu rencontrer Clément et Marc de Lilo. Autour de breuvages, nous avons pu parler librement de mon billet.
Il me semble important d’apporter les précisions suivantes qui dénotent d’un réel souci d’amélioration de cette initiative qui reste tout de même mieux que rien :
– Lilo n’utilise pas que l’algorithme de Google, une option permet d’ailleurs de s’en passer
– Lilo est engagé sur le terrain de la vie privée (respect directive CNIL anti-cookie et algorithme anti tracking publicitaire)
– Lilo a financé plus de 60 projets sociaux ou environnementaux qui agissent concrètement en France, et a presque reversé 190 000€
Je vous invite à lire leur droit de réponse sur leur blog.

Si si !
Faut croire qu’on ne se refait pas… Certains lecteurs aiment bien quand je cogne, quand je fais le chevalier blanc, le chercheur de petites bêtes. Moi ca me gêne parce que je sais que l’exercice du bashing peut-être blessant.
Après il y a deux cas de figures.
1) Taper sur Jancovici, Claude Allègre, Hervé Juvin, Dop, le panga, etc ne me turlupine pas trop.
2) Taper sur des « bonnes volontés » me confine forcément au statut de donneur de leçon, de cuistre pédant, d’aliboron trollesque. Ce dont je me défends bien sûr !
Des contradictions en veux-tu en voilà
Si j’ai épinglé Yann Arthus-Bertrand, Pur Projet, l’ADEME, Consoglobe, le magazine Debout, eco-emballages, et d’autres c’est plus pour voir comment ces personnes ou initiatives assument leur contradictions.
C’est bien simple, des contradictions on en a tous… et heureusement. Maintenant il y a deux types de contradiction.
Les contradictions d’inertie. Par exemple : « je sais que manger de la viande c’est pas top mais que voulez-vous, j’ai grandi ainsi et j’essaie de m’améliorer ».
Et il y a les « contradictions de guépard* ». Par exemple : ah tiens je sais que c’est pas top de manger de la viande mais peut-être que je pourrais inventer un système qui me permette de continuer à manger de la viande, et cela financerait la recherche sur le végétarisme et hop tout cela est compensé.

On peut pardonner les premières, surtout si elles sont conscientisées (et en plus cela permet d’avancer dans la vie). Mais on se doit d’alerter sur les secondes.
Or donc il y a les moteurs de recherche solidaires. Autant le préciser tout de suite, j’ai l’impression de revivre un mauvais film diffusé en 2007. Veosearch, Hooseek, Doona, Ecosia, Goodsearch, Ecogine, Zutopi, Gootzy etc etc ?
Jamais entendu parler de ces « moteurs de recherche écolos ou solidaires » ? Pour cause, ces initiatives fort sympathiques ne se sont pas massivement diffusées pour la simple et bonne raison qu’elles n’apportent aucun bénéfice à l’utilisateur !
Le dernier né s’appelle Lilo. J’en ai eu vent par deux médias (Kaizen et Newmanity) qui évidemment sont plus dans le relai que dans l’analyse. Chacun son job. Eux relaient, c’est positif, c’est colibriste.
Et moi j’analyse. Voici donc.
Vroom ! Qu’y a t-il dans le moteur ?
D’abord, Lilo (et les autres d’avant et les autres à venir), ce ne sont pas des moteurs de recherche, ce sont des meta-moteurs. Le moteur, c’est Google, Yahoo ou Bing. Notre gentil meta-moteur Lilo va donc vous afficher les résultats de recherche que vous auriez eus avec Google (90% des requêtes en France). Pas mal de choses sont expliquées dans la FAQ de Lilo. Le truc c’est que je l’ai lue cette foire aux questions, en sachant déjà ce qu’il y avait. Vous vous dîtes « Il est trop fort ! » Non non… c’est juste qu’il est plus facile d’être devin quand l’histoire bégaie…

Maintenant, il nous faut expliquer quelques principes du web. Peu de gens le savent mais le leader de la publicité en ligne est aussi le leader des moteurs de recherche. Caramba ! Encore Google. On estime à plus de 1,5 milliards les revenus annuels en France…
Concrètement, à chaque requête, Google vous propose des liens « naturels » (son fameux algorithme sémantique) et des liens « commerciaux » (basé sur un système de vente aux enchères selon le mot-clé). Quand vous, internaute, cliquez sur un lien naturel, Google ne gagne pas d’argent. Quand vous cliquez sur un lien commercial (généralement sur fond bleuâtre, en haut ou à droite des résultats), vous rémunérez Google.
Et les annonceurs (Darty, FNAC que sais-je?) paient Google pour apparaître dans ces liens commerciaux.
En parallèle, Google propose à n’importe qui (les diffuseurs) de se rémunérer en affichant des liens commerciaux sur son site. Donc pour faire simple, Lilo vous montre les résultats naturels et commerciaux de Google ; puis Google reverse quelques centimes par clic commercial à Lilo pour avoir diffusé ces annonces. Si vous me suivez, Google fait tout le boulot (recherche, diffusion, rémunération) et comme le lierre autour de l’arbre, Lilo en est la partie visible. Or, le lierre c’est joli mais l’arbre n’a que faire de lui !
Techniquement donc l’affaire est vite pliée. Place à la communication. Il n’y a plus qu’à dire que les millions de clics goutte d’eau (colibris marque déposée) seront en partie reversées aux bonnes actions et hop vous pouvez vous dire « start-up innovante et solidaire ».
Pour qui cogite un peu sérieusement sur la publicité, Internet et entrepreneuriat social il y a de quoi fulminer. Rien d’innovant, tout repose sur la pub et sur le mauvais Internet… Dans le modèle Lilo, pour que ca marche il faut plein de pubs et plein de gens qui cliquent dessus. On a connu meilleures utopies…
S’il y a bien une chose que nous apprend l’histoire, c’est qu’elle ne nous apprend rien..

En 2008 « Google c’est fini, place à Veosearch » et autres titres guillerets pullulaient.
Aujourd’hui Veosearch c’est une page blanche.
Comme il y a prescription, je peux raconter que j’étais allé voir les deux fondateurs de Veosearch pour leur dire deux mots de ce que je pensais de leur initiative. Ils m’avaient répondu un truc formidable genre « Si on peut accompagner McDo pour leur changement écologique, c’est déjà ça » .
Les mecs pensaient sincèrement qu’ils allaient changer McDo.
La jeunesse est un naufrage…**
Quel Internet ? Quel modèle économique ?
A titre perso j’utilise ce que l’on appelle des bloqueurs de publicité (Adblock et Ghostery).
Il paraît que ce n’est pas bien parce si tout le monde faisait comme moi les medias ne vivraient pas... Pas de bol, je fais partie de ces gens prêts à payer pour avoir du contenu (arrêt sur images, hors-serie, mediapart) et j’achète et m’abonne à des médias papiers sans pub ! (Canard Enchaîné, La Salamandre, La Décroissance, S!lence…).
Chaque année je m’acquitte de quelques oboles : 10$ à Wikipedia, 15$ à Mozilla, 10 € à Reporterre. Parce que je serai bien embêté si ces choses là n’existaient pas.
A vrai dire, si Google me proposait de faire un don (disons 30 €/an) je le ferai les yeux fermés car j’utilise Google tous les jours. Pareil pour Facebook. Par contre en échange je ne veux pas de sa pub. Et j’ai cela grâce à Adblock.
Ah aussi : je déteste Criteo ! Je déteste les pubs pour toutes ces choses que je n’achèterai jamais (des voitures, des parfums, des montres…)
Tout ceci alourdit le web, est laid et est souvent peu pertinent (génial le tracking : une pub pour le produit que je viens d’acheter !)
Alors il paraît que les Français ne joueraient pas le jeu, que la publicité permet de faire vivre tout cet eco-système. Mais alors comment expliquer les exemples sus-cités, qui d’ailleurs se portent plutôt bien économiquement ? On nous dit que la pub est le moteur des médias. Non, c’est le poison.
De la Homepage à l’extension
Un dernier mot un peu plus technique et qui complète le billet précédent à propos d’Amazon Killer. En ce moment, je travaille en parallèle pour une start-up qui va proposer une extension radicale (etym. qui revient à la racine). Du coup, le concept d’extension navigateur me tient à cœur. Car quand vous choisissez d’installer une extension, vous laissez entrer un programme qui peut se permettre pas mal de choses pendant votre navigation. Mieux vaut lui faire confiance.
Un plug-in qui change votre page d’accueil je trouve cela insupportable. Combien d’internautes français sont victimes de ces procédés, les condamnant à une homepage www.orange.fr ?
J’attends d’un outil qu’il soit utile ! Si je veux donner de l’argent à une cause, je sais faire. Si je télécharge une extension c’est pour que cela m’aide dans ma navigation.
Bref, je n’ai pas besoin que l’on me demande de ne rien changer alors qu’en fait… il faut que ça change !
Suite à ce billet, j’ai pu rencontrer Clément et Marc de Lilo. Autour de breuvages, nous avons pu parler librement de mon billet.
Je vous invite à lire leur droit de réponse sur leur blog.
Addendum :
On me signale que Ghostery appartient à Evidon, société connue pour vendre les données privées de ses utilisateurs. Bref pas génial ! Ce bienveillant lecteur me conseille DoNotTrackMe comme alternative. Merci Julien!
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* Référence au film Le Guepard de Visconti dans lequel le prince de Lampedusa déclare « Il faut tout changer pour que rien ne change »
** Oh et puis comme il y a prescription encore, je vous expliquerai volontiers en MP les techniques illégales et immorales utilisées par Veosearch à l’époque pour doper leur trafic et leurs utilisateurs.

LeMêmeEnMieux
crédit photo : Eric Bouloumié
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