Baptiste RABOURDIN

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Étiquette : journalisme

A quoi servent les guides de haut brouillard ?

hamsterFaut-il être optimiste ? Faut-il être pessimiste ? Le vieux Hegel se régalerait à dire que nous pouvons recourir au Aufhebug : dépasser le pessimisme, bien légitime compte tenu de la situation sociale et écologique, par un optimisme de principe afin de passer à l’action et s’ancrer ainsi dans le réalisme.

Autre formulation : « Là où croit le péril croît aussi ce qui sauve ». (Hölderlin)

Ou encore : « Ce n’est pas parce que les utopies échouent qu’il ne faut pas les approcher ».

La dernière ?
On annonce dans les journaux que la moitié des espèces sauvages a disparu en 40 ans !

Oui il est temps de tenter le « journalisme positif » (ce que fait le journal Kaizen, et ce qui a intéressé cette semaine l’émission arretsurimages).

Nous revient cet excellent souvenir d’un journaliste, Gaël Legras, qui était venu nous filmer à Marseille pour Canal Plus. Dans un TedX plutôt émouvant, il explique pourquoi les médias, et notamment la télévision, ne mettent jamais en avant ce qu’il peut y avoir de beau dans l’humain…

Rien à voir mais nous avons reçu la dernière publication de l’ADEME concernant les labels de l’éco-consommation.

zen-footPour nous, l’ADEME, c’est un peu l’institution nationale qui doit être impartiale et claire, à force d’études et d’expertise. Il se trouve que cette Agence nationale, connue pour son assise sur les questions énergétiques, possède aussi un pôle éco-consommation. Côté coulisses, comme l’éco-consommation c’est un peu notre dada, nous avons plusieurs fois tenté d’aborder l’ADEME pour des partenariats, et notamment sur cette question des labels.

Car, si nous pouvons nous enorgueillir d’une chose, c’est bien du succès de notre guide « Les bons labels et les truands« .

Distribué sur de nombreux salons, réclamé sur par de nombreuses associations, vu et téléchargé des dizaines de milliers de fois, il nous arrive de le rencontrer au hasard, chez des gens, dans des bureaux, dans des salles d’attente !

baiserMême si le titre est un fort habile jeu de mot (merci à Charly des pouletsbicyclettes), le succès est à trouver ailleurs. C’est un guide qui « prend position », qui donne une direction, un endroit où aller. Pour revenir à Hegel, c’est un objet réaliste !

Nous avons régulièrement épluché les guides labels de l’ADEME, environ un par an. Et il faut bien avouer que ce genre de publication ne peut pas trouver de public.

Ils ont classé les labels non pas par pertinence mais par « catégorie de produits ». Vous apprendrez donc cette chose très importante à savoir que le label AB se retrouve plutôt dans l’alimentation, et que sur les jouets, vous ne verrez que Nordic Swan… ce qui est faux d’ailleurs puisque de nombreux autres labels se retrouvent dans cette catégorie Jouets.

Chaque fois, nous espérons que l’ADEME nous lise un peu pour se corriger. Par exemple, nous écrivions à propos du label plus que bof, « Rainforest Alliance » ainsi décrit par le guide de l’ADEME :

rainQue veut dire ce logo ?
– commerce durable* (milieu tropical et subtropical),
– interdiction d’utiliser des pesticides non autorisés,
– évitement maximal des cultures transgéniques (introduction, culture ou transformation),
– pratique de la chasse, de la capture ou du trafic d’animaux sauvages interdites…
* Le commerce durable ne garantit pas de prix minimum pour les produits mais inclut le salaire minimum national.

Honnêtement, si vous n’êtes pas spécialiste du sujet, il y a de fortes chances pour que vous vous fassiez avoir. Mais avec un peu d’habitude, on réalise bien que ce label est une fumisterie. Interdit est un synonyme de non autorisés, l’évitement maximal n’est qu’une formule élégante pour dire « on fait comme on peut, comme on veut » et on ne voit pas pourquoi la récolte de café entrainerait du trafic d’animaux sauvages… Et évidemment, le « commerce durable » qui respecte la loi en recourant au salaire minimum national.

En résumé, si on veut aider le consommateur à s’y retrouver, un guide doit dire « Ce label ne garantit rien ».

Et aussi, ce qui est agaçant, c’est que l’ADEME est à l’origine d’un label qui s’appelle ecolabel européen, qui est une heureuse initiative d’harmonisation européenne mais qui a toujours été un point de désaccord entre eux et nous (car oui nous avons déjà fait des tables rondes avec l’ADEME sur ce sujet).

La nature de ce label est de s’adapter à chaque secteur et inévitablement, en fonction des domaines d’application, le label peut apporter une vraie garantie (peintures notamment) mais est parfois bien léger par rapport aux labels spécialisés (par exemple la cosmétique face à Cosmebio, la papeterie… même le WWF le dit).

 

Autre nouveau venu dans ce guide, c’est le label « Issus d’une exploitation de Haute Valeur Environnementale« . Le néophyte se dit chouette; l’expert renifle à plein nez le label de bric et de broc. Une référence à « Haute Qualité Environnementale » qui est déjà un label très bof dans le secteur du bâtiment. Le terme « Exploitation » au lieu de « Ferme » qui rappelle le vocabulaire des gros syndicats agricoles.

lesbonslabelsEt une rapide recherche nous confirme que c’est bien une mention issue du Grenelle de l’Environnement où l’on a tenté de ranimer le bon vieux concept d’agriculture raisonnée qui n’existait que pour contrer le dynamisme du label Agriculture Biologique. Contrairement à ce qu’indique la brochure de l’ADEME, nous défions quiconque de me trouver ce label dans un magasin de produit biologique, voire dans un magasin tout court !

A notre humble avis, le rôle d’une agence nationale en matière d’éco-consommation est bel et bien d’orienter les acheteurs que nous sommes vers les produits mieux-disant socialement et environnementalement. En mentionnant des labels n’offrant aucune garantie sérieuse, on ne fait que du recensement, mais pas du conseil.

Loin de nous l’idée de considérer que nos publications détiennent La Vérité. Nous avons toujours revendiqué une part de subjectivité, mais nous sommes toujours capables d’expliciter un positionnement. Par exemple, suite à la récente polémique à propos de Max Havelaar, nous nous sommes interrogés sur la nécessité de réévaluer notre note. Nous avons aussi longtemps penser à référencer tous les labels bidons et nous avons parfois fait une fiche (Sustainable cleaning, conso responsable Leclerc ) mais cela vaut-il vraiment le coup. Il existe tellement d’initiatives farfelues que nous le faisons uniquement quand le logo se répand effectivement.

Mais peut-être qu’un jour, ils auront tous droit à leur affiche. Et là nous pourrons dire : « voici tous les labels que vous pouvez fuir« .

Et avec un peu de chance, ce sera diffusé par l’ADEME ?
Il y a juste un petit Aufhebung pour y parvenir !

Un copain en visite au siège social de Qechua nous a envoyé ce clché !
Un copain en visite au siège social de Quechua (marque Décathlon) nous a envoyé ce cliché !

De la presse et de la presse environnementale

journalismCeux qui s’intéressent au devenir de la presse et du journalisme le savent. Ce secteur est en crise et nos grands titres nationaux, en plus de perdre de l’argent, siphonnent des subventions conséquentes (16 millions pour Le Monde ou Le Figaro,). Ces aides à la presse sont disponibles sur le site du gouvernement et ont été commentées avec ironie par le journal Le Monde Diplomatique. C’est vrai que 7 millions d’euros pour Télé 7 jours, c’est grinçant…

Ce naufrage général est d’autant plus étonnant que ce sont des industriels et les grandes fortunes qui rachètent les journaux. Et comme on ne comprend pas bien pourquoi des professionnels du profit se mettent à investir dans des poches perdues, quiconque a encore du bon sens en déduit que c’est pour une autre raison…

Mais en plus de l’Etat et des grandes fortunes, les journaux et magazines se financent largement avec la publicité… et étant donné leur coût, il n’y a que les grands groupes qui peuvent s’offrir de belles pages de réclame.

Cette critique de la presse n’est pas nouvelle mais elle en dit long sur nos sources d’information, même celles que nous pensons être des « références ». Par exemple, j’ai toujours été traumatisé par le contenu des pages Planète du journal Le Monde qui parle de séisme et de météo… mais point de crise environnementale !

Je ne résiste pas au plaisir d’indiquer un des derniers titres « Ebola : un impact économique « catastrophique » envisagé par la Banque mondiale« . Le titre et le contenu, sans le vouloir, sont d’un cynisme ahurissant. Une épidémie ? Mince  ! Cela fait chuter le PIB…

Couv-Actu-1A propos de misère, un nouveau journal est sorti récemment. Il se nomme « Debout » et eu droit à une intronisation bienveillante de la part d’autres journaux. Il s’agit d’un journal gratuit qui donne des infos pratiques pour les précaires. Des bons plans pour les pauvres au quotidien : « Être épaulé dans sa recherche d’emploi »?; « Obtenir la CMU » (couverture maladie universelle)?; « Électricité?: comment faire baisser sa facture » nous indique le journal La Croix dans une interview de la fondatrice.

Alors on retombe sans fin sur l’éternel débat : doit-on s’attaquer aux symptômes ou aux causes… ou les deux en même temps ?

J’ai peut-être l’esprit tordu mais selon moi ce magazine fait plus de mal que de bien en jouant sur la fibre caritative. Certes des personnes en difficulté oublient de demander certains droits mais le message est clair : « les inégalités se creusent et cela va de plus en plus mal ; alors on ne vous demande pas de changer le système mais de tirer votre épingle du jeu ».

A titre d’exemples, je ne crois pas qu’il soit souhaitable d’envoyer les chômeurs dans l’entrepreneuriat ! C’est un débat archi-connu, notamment avec l’ADIE (Association pour le Droit à l’Initiative Ecnomique) et les deux points de vue s’entendent. Il y a le court-termisme (« montez votre entreprise de vente de bijoux, ca vous occupera et fera baisser les statistiques de Pole Emploi) et long-termimse (comment s’organise-t-on pour rééquilibrer le temps de travail et les inégalités ?).

Le modèle économique est incertain mais comme le magazine est gratuit, on se doute qu’il y aura des partenairess financiers en mode publicité ou publi-rédactionnel. J’ai manqué de m’arracher les cheveux quand j’ai lu qu’il y auraiit des mécénats rédactionnels avec EDF pour l’article « baisser sa facture électrique ». EDF, l’entreprise qui nous a vendu le chauffage électrique… Parlez-en aux experts de la précarité énergétique

Bref, Violaine du Châtellier, Alix de Saint-Aulaire, Olivier Saint-Jullian ou encore Geoffroy de Sesmaisons me rappellent ces dames qui nous faisaient le catéchisme. Des gens certainement très biens et de bonne volonté mais un peu navrants avec leurs gros souliers emplis de charité et de bons sentiments châtelains.

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Le lendemain, je découvrais l’appel à l’aide de Terra Eco. Terra eco, pour les connaître depuis le début, c’est un magazine qui est passé de l’économie à l’écologie en faisant le pari d’un format grand public. Honnêtement, ce pari de vulgarisation est réussi et la qualité esthétique est au rendez-vous. Je ne peux qu’encourager à soutenir (dons, abonnements, mécénat) parce que c’est un titre précieux dans le paysage de la presse.

Objectif : 500 000 € pour sauver Terra  Eco et rentrer dans l’Histoire.

siteon0-4d1bbHélas, les magazines traitant des questions sociales et environnementales totalement indépendants sont rares et parfois confidentiels. La plus grande surprise vient de Reporterre (fondé par le journaliste Hervé Kempf qui quitta Le Monde) qui parvient à tenir un rythme effréné de publications et de portraits toujours intéressants.

Eux aussi comptent sur le soutien des lecteurs et chaque don compte pour garantir l’indépendance de la petite équipe rédactionnelle.

Quant aux  vieux titres qui ont mon affection depuis le début (L’Ecologiste, La Revue Durable, S!lence, la Décroissance, l’Âge de Faire devenu Demain en mains) ils vivent et vivotent par la force leur histoire et de leur engagement. Ils font du bien car ils montrent qu’une autre information est possible, plus patiente, plus dans le long terme.

J’espère que Terra Eco et Reporterre auront cette chance de passer du côté des vieux… de la veille !

(cf aussi ce billet publié il y a an qui pronostiquait déjà une belle vie à Reporterre )