Baptiste RABOURDIN

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Catégorie : Itinéraire

Hommage unanime au génie de Clément Leroy

Réveillon à Froidcul. L'anecdote est géniale... Clément pensait avoir trouvé le gîte mais...
Réveillon à Froidcul. L’anecdote est géniale…
Clément pensait avoir trouvé le gîte mais…

Comment ? Vous ne connaissez pas Clément Leroy ? Faites attention, il risque sous peu de frapper à votre porte à l’improviste pour vous demander gîte et couvert. En échange de quoi il vous fera son spectacle sur vélo dans votre salon.

Dans ce monde morose où l’on s’embourbe continuellement entre médias anxiogènes, gourous économiques accrocs à la croissance, et dégradations naturelles, il y a et il y aura toujours des résistants. Et cette résistance a le mérite de revêtir tous les visages, même les plus inattendus.

L’année dernière, nous étions plusieurs à découvrir penauds le jeune Corentin de Chatelperron, 26 ans. Il était parti faire un tour du monde à la voile, sur une embarcation de fortune en jute qu’il avait construite en 6 mois au Bengladesh. Il racontait ses péripéties loufoques pour franchir le canal de Suez ou sa relative angoisse au large de la Somalie (« si les pirates m’attrapent, je prendrai des somnifère…« ).

Eh bien actuellement, le jeune Clément Leroy, 26 ans aussi, sillonne la France mais avec quelques spécificités qui, mises bout à bout, ressemblent à une liste à la Prévert.spectacle de salon

  • Obtenir gîte et couvert chez l’habitant à l’improviste
  • Dans des villes à toponymie rigolote
  • En jouant son spectacle de vélo « sur place » dans le salon
  • Et avec un saucisson

Cette initiative s’appelle donc « Un Vélo dans le salon plus un saucisson »

Il faut savoir que Clément est champion du monde de vélo … en sur place équilibriste (2013), en marche arrière (en 2001 quand il avait 13 ans) et c’est un sacré jongleur… toujours sur vélo.

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Dans le salon de la maire de la commune au plus long nom :
Saint-Rémy-en-Bouzemont-Saint-Genest-et-Isson

Avec son blog, on découvre des photos insolites. Avec son vélo acrobate dans le salon du maire, sur le toit de sa voiture électrique en kit FranceCraft, près du panneau de ville « Froidcul, saint-amand du Fion, Bou, Soucy, Pannes, …

Alors, pris d’amour pour ce joyeux Tour de France sans dopage mais à coup de shoots d’hospitalité et d’humour décalé, j’ai décidé de contacter Clément.

Par chance il est disponible et n’a pas hésité à répondre à mes questions.

Voici donc la première interview eco-SAPIENS !

 

Bonjour Clément, au fait, comment trouvez-vous les noms des villes où vous allez ?

Soit je prends Google Maps et je regarde à 80 km de mon lieu de départ s’il n’y a pas des communes au nom sordide. C’est très artisanal, je regarde le matin pour le soir !

Sinon je lance un message sur Facebook la veille quand j’ai envie de faire participer mes « followers ».

Enfin, troisième cas de figure, mes hôtes ou autre me conseillent des villes à ne pas manquer !

 

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A la mairie de Pannes

Le vélo qui tient debout, la voiture électrique en kit et le saucisson dans un salon… y a-t-il un intrus ?

Aucun intrus, quand on sait que je suis psychologue et que c’est un rêve réalisé il y a 18 ans (je me voyais faire du vélo en marche arrière) qui gouverne ma vie tout rentre dans l’ordre !
Est-ce que les villes vous sollicitent pour que vous veniez chez elles ?

Pas encore ! Justement c’est génial. J’arrive vers 16-17h à l’improviste dans les communes au nom insolite. Et à chaque fois tout le monde s’arrange pour que j’arrive à voir Mr le Maire, à lui jouer mon show sur son bureau, et à dormir au chaud ! Je trouve ça plus beau quand c’est improvisé.

 

A chaque fois, vous comptez sur l’hospitalité des gens quand vous débarquez chez eux. Pour le moment, il semble que vous n’ayez jamais été déçu. Y a-t-il une rencontre qui vous a particulièrement marqué ?

Oui pour le moment je dors tout le temps au chaud, j’ai même peur de ne pas avoir une seule fois la mésaventure de dormir dans ma voiture.

Les Français sont hyper accueillants ! Pour me mettre de grosses difficultés j’ai tenté le 25 décembre au Luxembourg à Hesper (allez demander à des étrangers de vous héberger dans un projet de tour de France, et ça pour Noël !). Et j’ai quand même trouvé des hôtes. Ils étaient 22 dans la baraque quand je suis arrivé ! C’était grosse ambiance pour le spectacle, et j’adore ça !

Si une rencontre m’a marqué, je dirais que c’est à Rarécourt, le 23 décembre, où j’ai frappé à une porte où ils venaient de perdre un être cher. Ils m’ont offert le gîte et le couvert, je leur ai joué le spectacle, et ils m’ont remercié de leur avoir changé l’esprit à ce point. Ça m’a fait extrêmement plaisir. C’était très touchant.
Et chaque famille apporte sa petite touche, un saucisson, du miel, de la confiture, une spécialité locale, etc. C’est un projet basé sur l’échange, et j’adore ça !

Entre le monde d’aujourd’hui et vous, qui est le plus fou ?

C’est le monde dans lequel nous vivons qui est le plus fou. J’arrive avec ma bonne humeur, ma joie de vivre et mon vélo sur l’épaule, forcément plein de monde à envie de m’aider ! C’est plutôt le nombre de personnes qui paraissent aigries par la vie qui me fait peur ! Notre société fabrique des personnes individualistes incapables d’aider leur prochain. C’est hyper triste, et c’est bien ça le plus fou !

Mais ne vous inquiétez pas, il reste plein de personnes attentives à notre monde. Et la démarche écologique de mon projet séduit beaucoup ! Déjà 900 km réalisés dans cette aventure et toujours pas 1€ dépensé de ma part pour avancer. Chaque soir je recharge ma voiture chez l’habitant. Mes hôtes sont, en plus d’être accueillants, généreux, et potentiellement à chaque coin de rue !

Bref, j’ai beaucoup d’espoir pour notre avenir !

Merci Clément ! Et bonne suite en Australie !

Car oui, après Clément part faire le tour d’Australie sur le même principe en espérant jumeler les communes françaises aux noms bizarres avec leurs homologues australiennes. Eh oui, malgré les apparences tout ceci a un sens !

© toutes les photos proviennent du blog de Clément

La suite s’il vous plaît !

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Drôle de billet que celui-ci…

Et ils travaillèrent heureux…

blanche-neige-mecaniqueTout le monde aime les belles histoires. Les enfants aiment quand, dans les contes, après le danger et la peur, vient le happy end.
« Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants« .

Les adultes ne sont que de grands enfants. Quand on leur annonce que l’on va écrire un chapitre avec des ingrédients coopératifs, écologiques et éthiques sur Internet (danger, peur) , ils attendent le happy end moderne :
« ils travaillèrent heureux et gagnèrent beaucoup d’argent« .

Mais la vie n’est pas un conte de fée car l’entreprise est un un compte de résultat…

Les affaires se corsent et tant mieux d’ailleurs car les contes sont toujours trop lisses (d’où l’idée d’en avoir réécrits…).

Alors on passe à l’écriture du deuxième chapitre. On se renouvelle comme on peut, on change de style, on appelle même de nouveaux personnages pour faire rebondir l’intrigue. On annonce quand même que le happy end ce ne sera pas le « beaucoup d’argent » mais rassure, ce sera quand même une belle histoire parce qu’il y aura des rencontres, des enseignements, des expériences, des rigolades, des épreuves… la vie quoi.

Nous avons créé la coopérative eco-SAPIENS en 2007, suite à une idée qui, comme toutes les bonnes idées, est née un soir arrosé sur le Pont des Arts. Il y a bien sûr Benjamin et moi. Il y a Françoise for all. Il y a ma sœur Sabine. Il y a Martine forever. Il y a tous ces investisseurs initiaux et bienveillants pour croire en nous au départ, doctes ingénieurs mais sans le sou, sans réseau et sans expérience professionnelle. Fallait vraiment qu’on ait l’œil qui brille pour que les gens croient en nous !

elephant-obstacleGénérique et teasing

Il y a ceux qui sont passés et à qui on a modestement retourné le cerveau. Parfois quelques semaines, parfois des années : Pauline, Doris, N’Gamet, Jonas, Aurélie Orel-San, Yannick, Emilie, Sonia, Gwenaëlle, Stéphane et Benoît.

Il y a le flamboyant Minh aussi 😉

Dans quelques jours, Aurélie La Grande et Benjamin partent vers de nouvelles aventures.

Pour ceux qui veulent tout savoir, Benjamin va commencer par s’occuper d’éléphants au Laos. Quelque chose comme ça.

Autant dire que cela fait bizarre. Me voilà un peu comme la Vestale, chargée d’entretenir le foyer (eco) avec sagesse (sapiens) en attendant que…

paquebotEn attendant quoi au juste ?

En effet, depuis l’annulation de notre levée de fonds avec WiSeed (prompt à financer des start-ups innovantes genre EDF ou un aéroport public… mais effroyablement longuet pour nous planter au dernier moment…) nous nous sommes accrochés de liane en liane pour maintenir la coopérative à flot.

(Difficile de cacher l’amertume tant, à titre personnel, j’ai la sensation d’avoir été trahi et même d’avoir embarqué des copains dans l’aventure ( Symba, La Louve, Biocoop… on en parlera une autre fois).

Donc nous maintenons le navire à flot. eco-SAPIENS est aujourd’hui comme une page blanche qui aurait remonté le Rhône et le Canal du Midi.
Un seul rescapé, les autres sur les canots.

Et comme chantait Brassens :

Le capitaine crie : « Je suis le maître à bord !
Sauve qui peut ! Le vin et le pastis d’abord !

En un mot, eco-SAPIENS est bien vivant mais on a rentré spi et grand voile…

Du coup, permettez-moi de vous livrer quelques réflexions intimes qui peut-être vous donneront l’envie d’écrire quelque chose sur cette page.

Une petite histoire de l’éco-conso et du web

fidelLe paysage de 2014 est bien différent de celui de 2007 quand nous avons lancé le guide d’achat éthique eco-SAPIENS. Les alternatives à la conso existent depuis bien longtemps et des salons réputés (Primevère à Lyon par exemple) étaient incontournables mais n’avaient pas de visibilité sur le web, hors des réseaux convaincus.

Sur Internet, on trouvaient quelques initiatives (déco du commerce équitable, mode éthique, cosmétiques bio, puériculture écologique…) mais tout ceci était disséminé. Notre hobby, c’était de rassembler tout cela, de le trier, de l’évaluer et d’en faire une offre consistante et cohérente. Et tous les acteurs de gagner en visibilité.

Parallèlement, sur le web, les réseaux sociaux n’existaient pas. Google régnait en maître de la distribution de trafic. On comparait le pagerank et on cherchait des backlinks pour mieux ressortir en première page. Nous avions la chance de produire pas mal de contenu à nous (dossiers, actualités, fiches marques) qui répondait à de vraies questions émergentes.

Je me souviens d’une de nos premières questions sur le forum, pour savoir si les lombrics, esseinia california, vendus par une de nos boutiques, n’étaient pas des vers exotiques. J’avais été demander à un spécialiste universitaire des lombrics pour avoir la réponse

elle-est-green-229x300Il y avait donc un foisonnement d’alternatives que beaucoup de Français découvraient et, même si la littérature existait probablement, elle n’était pas dispo sur le web. C’était comme un eldorado et c’était passionnant.

Il y avait le salon Planète Durable, le festival Science Frontières, l’Ethical Fashion Show et les green drinks… Autant de signes « mainstream » qui laissaient présager que la société française basculait. On a même posé dans Elle Magazine avec Marion Cotillard… Si ce n’est pas la consécration !

En 2009, il y a la douche froide du sommet de Copenhague. C’est à dire que le monde politique international a dit « Suffit ! Business as usual ». Et le business avait pourtant dit « suffit ! » l’année d’avant avec le début de la crise financière, la faillite de Lehman Brothers.

Coup de grâce propre à eco-SAPIENS, il y eut ce coup de téléphone de Google (Irlande) nous sollicitant pour acheter des mots clés  (AdWords). On fait un peu les malins en disant qu’on aime pas trop les modèles publicité sur Internet. Et le nouvel algorithme de Google nous sucre une bonne moitié de trafic dans les mois qui viennent. Hasard ou coïncidence…

En gros, de 2010 à 2014, nous avons redoublé d’efforts et fait comme tout le monde : revoir le commercial et le marketing, délaisser les zones non immédiatement rentables (la production d’information) et réduire nos dépenses de communication.

On a vu tous les copains, les partenaires, les concurrents tomber comme des mouches les uns après les autres. Tiens dernièrement, c’est GreenRepublic, qui s’était relancé pour passer de boutique à marketplace, le soi-disant graal du e-commerce, qui a planté… pour se faire racheter par le mastodonte Greenwizz, la structure capable d’encaisser un million de pertes chaque année…

via-sapiens-pubDe notre côté, et c’est peut-être la force du modèle coopératif, à savoir des associés-salariés qui s’accrochent, eco-SAPIENS avait trouvé un équilibre. Mais vivre ainsi devient lassant et c’est pour cela que nous avons lancé via-sapiens ce qui impliquait de lever un peu d’argent.

En 2007, on n’était rien et le crowdfunding n’existait pas. Nous étions parvenus malgré tout à réunir 35 000 euros de capital extérieur (ce qui nous a quand même permis de salarier environ 4 personnes pendant 7 ans…).

En 2014, on revient à la souscription avec quand même un peu plus de bouteille, un site internet, une marque; bref on est un peu plus à l’aise pour solliciter des investisseurs. Et comme on est devenu paresseux, on veut bien passer par les professionnels du secteur. Et là les galères commencent… Des fonds économie sociale et solidaire qui ne vont pas dans le numérique car trop risqué, des fonds numériques qui ne vont pas dans l’éthique car trop peu lucratif. Et donc une expérience malheureuse avec WiSeed qui nous tétanise.

Alors quelle est la place d’eco-SAPIENS après 2014 ?

Nous avons plaisir à faire des sujets de fond sur l’éco-consommation, comme peuvent en faire nos amis belges d’ecoconso. Mais voyez-vous, cela est coûteux et relève peut-être d’avantage d’une délégation publique. En même temps, quand on voit le guide des labels façon ADEME… on est forcément tenté de rectifier le tir… Précisons que nous n’avons jamais reçu de sous pour Les Bons Labels et les Truands. C’est pour la cause comme on dit !

Bref, proposer une info indépendante et de qualité sur l’éco-consommation, c’est compliqué pour une structure privée. Et certains médias font bien le boulot.

Le comparateur doit quant à lui continuer d’exister. Il doit se moderniser aux nouvelles normes en vigueur sur le web.

Enfin, sur le tourisme et les loisirs, le portail via-SAPIENS est mis en stand-by. Qu’en faire ? Le vendre ? Le relancer ? Le passer en open, à la manière des wiki ou des OpenFoodfacts ?

Peu importe, le seul objectif qui nous gouverne, c’est celui qui est écrit en tant qu’objet social dans nos statuts :

« Promouvoir des modes de vie compatibles avec un développement dit durable« 

Nous sommes ouverts à toute proposition !

 & joyeuses fêtes !

film

Aurélie, Benjamin et Baptiste

Noël éthique : une déclinaison pathétique et égoïste

noel-ethiqueUn livre est en passe de devenir culte, c’est 5 000 ans de dettes de David Graeber. En fait il l’est déjà dans le monde anglo-saxon mais il commence seulement à percer en France.

Un des passages évoque le rôle du père Noël et rappelle la violence qu’il y a à recevoir des cadeaux sans pouvoir rendre. En d’autres termes, le Père Noël est le symétrique du cambrioleur : il s’introduit chez nous non pas pour dérober mais pour offrir. Et nous ne pourrons jamais « rendre la monnaie de sa pièce » à ce délinquant masqué.

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Je ne renonce ni ne recule, je suis la renoncule

serpent-cosmiqueA Rémi bien sûr,

Certains pensent que la lutte écologique est récente. Ceux qui parlent du péril vert ou des écolo-djihadistes en font bien sûr des tonnes parce que la stratégie est toujours la même :

« D’abord ils vous ignorent, ensuite ils vous raillent, ensuite ils vous combattent et enfin, vous gagnez » (Gandhi)

L’ignorance c’est bien sûr le silence médiatique sur ce barrage. Jusqu’au drame que l’on connait. Et là bien entendu les tenants de la modernité (les partis politiques institutionnels et les incontournables figures du paysage médiatique) n’ont pas manqué au préalable de ringardiser Rémi Fraisse et le mouvement zadiste en général. Pour cela, les forces de l’ordre ont même du mentir, laissant accroire qu’il était ou ivre ou violent, ou fragile…

Comment leur en vouloir ? Ces gens-là ne comprennent pas ce qui se passe. Ils vont aux obsèques d’un vieux magnat du pétrole, du fleuron étatico-industriel quine paye ni ses frasques polluantes ni d’impôts. L’argent rend fou décidément.

Peut-être que nos représentants ne mesurent pas le sérieux de la situation environnementale. Rien que ces 30 derniers jours pourtant…

Devant l’accumulation des preuves accablantes à propos de notre mode de développement, non durable, injuste, non souhaitable et non généralisable, force est de constater que nous avons d’une part des représentants qui ne font rien… et des doux rêveurs  qui meurent idiotement pour leurs idées parce qu’ils ont pris au sérieux le caractère grotesque de nos modes de vie.

chatsDiantre ! Il y a donc des gens qui ont le courage de tirer les conséquences de ce qu’ils savent !

Je disais au début que la lutte « pour la vie » n’était pas récente. J’aime à la faire remonter jusqu’aux philosophes cyniques qui prenaient un malin plaisir à prendre le contre-pied de leur siècle. Leur anti-conformisme était une joie de vivre soucieuse de liberté et de rapprochement avec la Nature. Plus proche de nous, la figure de Henry David Thoreau, père du transcendantalisme, et surtout son récit Walden ou la vie dans les bois, est un hymne à la liberté et à la Nature justement.

C’est qu’au fond la Nature a encore beaucoup de choses à nous raconter. Je m’amuse encore à demander autour de moi si les pingouins volent. Petits ou grands me répondent inlassablement que non et je m’empresse de leur montrer le bel envol du pingouin.

Quant à la renoncule, je suis certain que d’aucuns pensent que c’est une fleur improbable. C’est notre bête bouton d’or, la butterflower des Anglais car oui eux aussi s’amusent enfant à de mander « t’aimes le beurre » en faisant dorer ses pétales pour dessiner une tâche jaune soleil sur une gorge espiègle.

Alors oui la renoncule qu’étudiait Rémi était un peu spéciale. Elle était rare et protégée et on la dit à feuille en langue de serpent. Ophioglosse. Ce n’est pas très flatteur car ne dit-on pas d’un fourbe qu’il a une langue de vipère ?

singe-fuckOn m’a souvent dit d’un ton condescendant : « Arrête d’idéaliser la Nature, elle n’est pas bonne, regarde il y a bien des poisons naturels ». J’ai toujours trouvé ce genre de sortie très révélatrice.

Premier aveu. Ces personnes (qui souvent ignorent tout de la faune et de la flore) imaginent que les amoureux de la Nature la serait une forme de bonté absolue comme le Dieu Amour des monothéistes ?

Second aveu. Ces personnes confondent « bon » et « bon pour moi être humain ». L’écologie est une pensée qui, à la manière de Galilée, Darwin ou Freud (non nous ne sommes pas le centre de l’univers, ni du vivant, ni de la conscience…) remet l’espèce humaine à une place parmi d’autres. Donc la baie d’if constitue effectivement un poison (quoique les botanistes savent bien que vous pouvez manger la drupe rouge de l’if… à condition de ne pas avaler la graine à l’intérieur !) mais ce n’est pas un dispositif machiavélique… A la rigueur un rappel : pour aimer la Nature, il ne faut pas la craindre mais l’apprivoiser.

Après, il y a un débat sur le rôle de l’homme dans tout ce bazar. Car indéniablement, si l’espèce humaine est un taxon animal parmi d’autres, il a franchement quelques caractéristiques étonnantes, au même titre que la langue du fourmilier ou la longévité du corail… Selon moi, ces caractéristiques sont la Technique (la sudation technique dont parle Leroi-Gourhan) et la Parole. Bon il y a aussi la Bêtise mais c’est une notion morale…

La Technique, c’est par exemple le barrage.

La Parole, c’est le débat, l’expertise, la manifestation et la confrontation par rapport à ce barrage.

La Bêtise, on l’a vue une fois de plus.

Et bien j’aime à penser que l’intérêt de Rémi Fraisse pour cette renoncule « langue de serpent », pour cette fleur traitresse et fourbe est une grandiose métaphore du destin de l’Homme. Non ce n’est pas la fleur qui est mauvaise, c’est la nature de l’homme qui est comme elle est, avec sa propension à suer la Technique et à parfois ignorer les vertus de la Parole. Et cela dure depuis bien longtemps.

Bien avant les Cyniques…

cascades

 

Pourquoi les hommes préhistoriques ne dessinaient pas la flore

Banksy
Banksy

Au moins les vacances ont cette vertu de nous emmener là où nous n’allons pas d’habitude.

Prenez par exemple les grottes. On y va trop peu.

La France est un pays qui regroupe près de la moitié des grottes préhistoriques découvertes à ce jour. Alors certes, on les ferme car, comme toutes les choses auxquelles l’homme touche, on les dégrade et il faut donc les protéger. Lascaux a sa réplique, le Roc-aux-Sorciers a sa réplique et bientôt la grotte Chauvet, la perle des perles aura la sienne.

En sortant de Lascaux II, une visiteuse témoignait de la chance qu’elle eût enfant à pouvoir déambuler dans la vrai grotte de  Lascaux. Elle disait que tout le monde touchait les peintures, ramenait des cailloux souvenirs. C’était il y a 50 ans. C’était hier.

A cette époque aussi, le public découvrait un film-documentaire primé au festival de Cannes. Dans Le Monde du Silence, emmenée par le commandant Cousteau, la Calypso grattait les éponges sous-marines, massacrait à la hache des requins, dynamitait des bords de mer, crevait un poisson diodon, achevait un bébé cachalot et pique-niquait assis sur des tortues géantes…C’était en 1955. C’était hier décidément.

Banksy
Banksy

Les grottes menacées, nous les avons mis sous cloche. Les animaux menacés, nous les avons mis derrière les barreaux.

Je me souviens de ce livre sur « l’extinction en masse des espèces » qui permettait de relativiser notre faculté anthropocentrique à détruire tout ce qui nous entoure. L’homme préhistorique, l’aborigène, les premiers indo-américains… ca n’a pas fait un pli ! La mégafaune endémique s’est volatilisée dès son arrivée.

Et voilà qu’aujourd’hui, nous détruisons, de par notre respiration même, les vestiges de l’Histoire. De notre Histoire.

Une des rares grottes accessible au grand public pour apprécier d’authentiques peintures préhistoriques est Cougnac, dans le Lot. Même si la réplique Lascaux est au millimètre, on ne sait l’expliquer mais l’émotion n’est pas la même quand on contemple les peintures véritables à Cougnac ! 20 000 nous font face ! Sans tricherie !

Contrairement à l’idée reçue, nos ancêtres Cro-Magnon ne vivaient pas dans les grottes. Ils y allaient uniquement pour leur rituel artistique, chamanique, religieux (?). Et déjà ils détérioraient les beautés minérales des stalagmites centi-millénaires pour se frayer un passage vers la paroi idéale.

Comment leur en vouloir ?

Banksy
Banksy

Comment en vouloir à Cousteau qui pareillement dégradait pour la beauté de l’image ?

Repenti plus tard, lui-même ne disait-il pas qu’il n’avait qu’un seul espoir : « J’ai vu des choses merveilleuses mais qui disparaissent. J’aimerais tant que la génération après moi ne dise pas la même chose. »

Caramba ! Encore raté !

Ce qui surprend à propos des fresques préhistoriques, c’est l’absence totale de représentation végétale. Des bisons, des rhinocéros, des chevaux, une poignée de mammouths, aucun renne (alors que cet animal représentait 90% de leur nourriture animale)… mais pas une fleur ou un arbre !

Trop commun ? Pourtant, les arbres sacrés ont du également exister.

Les paléontologues tentent encore de percer ce mystère…

Mais les vacances sont finies et avec la rentrée, je n’aurais certainement pas l’occasion de fréquenter quelque grotte.

Alors heureusement avec la rentrée aussi, on a l’occasion d’aller dans des endroits inhabituels. Cela s’appelle les grandes messes du demain sera un monde meilleur !

Sea Shepherd - Massacre de cétacés au Danemarj
Sea Shepherd – Massacre de cétacés au Danemark

Cela s’appelle Forum Convergences, Forum Economie Positive, Ateliers de la Terre, Universités de la Terre,…

Quand on découvre le concept on trouve cela excitant ! Enfin un « carrefour de réflexion » mêlant des personnalités de tout horizon, les utopistes comme les représentants de la World Company. Des directeurs d’ONG et des directeurs de multinationales.

L’aventure humaine réconciliée le temps d’un week-end, prêt à discuter pour un avenir brillant, a en plus le mérite de se dérouler généralement dans un lieu prestigieux (UNESCO, Méribel, Centre de Congrès…) et on repart avec des petits cadeaux des sponsors (Un bloc-notes BNP, un stylo Axa, une clé USB Novartis…)

Vous voyez le topo ? Honnêtement, si vous ne l’avez jamais fait, c’est une expérience intéressante. Pendant deux jours, les primo-responsables de la crise écologique, sociale, sanitaire et économique passent pour des personnes de bonne volonté.

Mais dès la 2ème fois où l’on ré-entend la parole de Mohamed Yunus après celle de Jacques Attali, puis celle de Pierre Rabhi puis celle de Jeremy Rifkin… on finit paradoxalement par ne plus croire en rien.

A titre personnel, je suis exaspéré de toujours voir une personne comme Jacques Attali invité à ces cirques conférenciers. Cet homme est tellement symptomatique de la pensée caméléonesque qu’il est l’absence de pensée même. Eh oui, le caméléon n’a pas de couleur. Et aussi frappant que cela puisse être, Jacques Attali n’a pas de pensée. Ce qui est dommage pour un un homme intelligent. Je crois que c’est Clausewitz qui disait « quiconque a du génie est tenu de s’en servir. » Et cet homme ne s’en sert pas (sauf pour lui bien entendu…)

La Decroissance
La Decroissance

Dernier exemple en date (parmi des centaines d’autres), ce chantre de la « libération de la croissance » disait tout le bien de son poulain récemment nommé ministre de l’économie dont on sait qu’il fut intronisé à la banque Rothschild. On m’expliquera comment quelqu’un qui a œuvré pour le rapprochement de Nestlé des laits infantiles Pfizer (deux multinationales on ne peut plus nuisibles aujourd’hui) et qui demande à revenir sur les 35h (quel progrès que de demander aux quelques actifs restants de travailler plus…) puisse réellement changer de Weltanschauung juste en papotant 15 minutes avec Pierre Rabhi. Pierre Rabhi qui ne souhaite pas « libérer la croissance » mais souhaite au contraire que l’homme se « libère de la croissance » !

On m’objectera que la rédemption existe ou que le monde n’est pas manichéen. Oui mais quand tout cela se répète ?

Je suis rude ? Je suis surtout rude envers moi-même qui la première fois ai cru à ce genre de sketch.

Cette année encore, les banksters et les filousophes vont daigner partager un bout d’affiche avec quelques acteurs sincères de la transition… Et à la fin tout le monde de repartir chez soi le soir business as usual.

Dans ces grandes messes à la gloire du progrès et des green tech, on est au milieu des banquiers. Le Forum de l' »économie positive » (concept fumeux pour un bel aveu sur ce qu’est l’économie d’aujourd’hui… c’est à dire négative) en est le meilleur symptôme. Cela sent la banque, la finance et l’assurance de partout. Ca sent le froid et l’obscurité et on se dit qu’ici aucune fleur ne poussera.

Et me revient alors cette idée fugace. Si l’homme préhistorique ne dessinait pas de végétaux dans les grottes, c’est tout simplement qu’aucune fleur ne peut naître dans les ténèbres.

cougnac

La finance participative et la finance solidaire : un dialogue de sourds

Après 7 années à développer eco-SAPIENS un projet entrepreneurial qui met les TIC au service d’une consommation plus responsable, nous avons testé plusieurs modèles économiques et constatons que les modes de financements dédiés à l’entrepreneuriat ou à l’innovation sont inopérants ou inadaptés. Ils ne permettent pas de véritablement soutenir la transformation de notre société.

Nous étions jeunes et nous n’aimions pas ce monde. Ça arrive à d’autres, et même à des gens très biens. Après, il faut voir ce que l’on en fait de cette énergie, de cette clandestinité.

Continue reading « La finance participative et la finance solidaire : un dialogue de sourds »

eco-SAPIENS / WiSeed – Episode 2 : Annulation !

Bon bon bon…

Peut-être l’ignorez-vous mais dans les années 80, la France était leader dans le domaine de l’énergie solaire photovoltaïque. Pour avoir discuté avec quelques pionniers de l’époque, quand je leur demandais pourquoi ca n’a pas décollé, ils me répondaient toujours : « Pour tuer une filière, plutôt que de l’étouffer dès le début, il vaut mieux la laisser s’épanouir un peu, puis la bloquer net. Ca a été la douche froide et plus personne n’a osé se relancer. »

Et donc la France nucléocrate a pris 10 ans de retard là où elle avait 10 ans d’avance…

chien-biereNous venons d’apprendre que finalement, la plateforme de crowdfunding WiSeed annulait le lancement d’un financement participatif pour les SCOP (Sociétés Coopératives).

Nous y avions passé plus de 5 mois. Nous étions en train de co-créer une offre, à solliciter d’autres coopératives (SCOP et SCIC), à faire du  lobbying et de la pédagogie, à communiquer à nos partenaires, à faire de la veille juridique, à partager notre expertise technique.

Bref, nous avons pris 5 mois de retard là nous avions un peu d’avance… Cela ne va pas empêcher le développement du monde coopératif mais, symboliquement, investisseurs et entrepreneurs se diront qu’il y a là une impasse.

Or l’impasse, c’est l’atome. Et la voie… c’est l’Homme !

On en reparle.

Le temps de se remonter le moral avec un idoine breuvage…

(Ce billet fait suite au premier épisode expliquant comment on peut associer finance participative et SCOP)

PS : le 3 Juin, nous publierons un communiqué un peu plus officiel…

eco-SAPIENS / WiSeed – Episode 1 : Innovation !

ATTENTION ! Ce billet est obsolète. WiSeed a finalement décidé de ne pas proposer cette opération de crowdfunding en SCOP. Pour en savoir plus :
http://www.eco-sapiens.com/h-298-Construire-Via-Sapiens-avec-vous.html

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Voici le premier épisode d’une aventure que l’on va commencer ensemble. Le scénario est bien ficelé mais, à l’image des pièces de théâtre modernes, l’action ne peut se conclure sans la participation du public.

Oui oui je vais parler de crowdfunding (américain), de finance participative (français), de socio-financement (québecois). Les banques ne financent plus ? Les fonds d’investissement sont frileux et exigeants ? Les business angels sont inaccessibles ? Bienvenue dans la finance solidaire ou le monde des starts-up ! J’exagère un peu; mais un peu seulement.

En 2007, date de la création de la SCOP (société coopérative), nous avions bricolé une structure pour accueillir plein de monde. En 2012, ils étaient 120 à détenir des parts (après avoir remboursé les parts de quelques Cigales d’ailleurs). C’était un peu du crowdfunding avant l’heure. Soumis à la torture du statut coopératif parce que si c’était simple, ce ne serait pas amusant.

En 2012, on a fait une rencontre et de cette rencontre est né un nouveau projet : via-sapiens, guide consacré au tourisme responsable. Alors on voulu faire comme les grands : « faire une levée de fonds ». En 2007, on avait réuni 35 000 euros. En 2014, nous visons 150 000 euros.

On a eu aussi la chance de rencontrer une plateforme de crowdfunding sensibilisée aux enjeux des sociétés coopératives. La rencontre avec un responsable de WiSeed fait partie de ces rencontres que l’on oublie pas. Une génération nous sépare mais la manière de voir le monde tel qu’il pourrait être, elle, a traversé le temps, intact.

Je vous invite à découvrir le premier épisode de cette trilogie. Dans un premier temps c’est très simple. Il vous suffit de regarder cette vidéo. Puis de cliquer sur le lien ci-dessous. En manifestant votre intérêt d’ouvrir un nouveau mode de financement pour les coopératives, vous allez, sans nul doute, contribuer à faire pivoter le monde… d’un quart de tour ! Et dans le bon sens !

eco-sapiens wiseed 2014 eco-sapiens.

Et pour voter c’est http://mfb.li/scop

L’élevage de poules à titre privé bientôt interdit

oeufs2Avertissement : cet article a été publié le 1er avril 2014.
Etant donné qu’il est beaucoup partagé, je préfère le re-préciser. Il s’agit d’un poisson d’avril. Cependant… comme la plupart des poissons d’avril « eco-SAPIENS », toute vraisemblance avec un futur proche serait fortuite…

 

Heureux propriétaire depuis peu, et bénéficiant d’un petit lopin de terre, j’ai décidé de réaliser un vieux rêve : élever des poules ! Je me suis renseigné et c’est finalement un véritable casse-tête.

Combien de poules ? Certains préconisent trois mais je voulais limiter la casse en ne prenant que deux cocottes.

Quelle race choisir ? Certes il y a moyen de récupérer des poules facilement un peu partout mais de quelle souche s’agit-il au juste ? Et quand on voit la perte de biodiversité chez les gallinacées, qui plus est au pays gaulois dont le nom même viendrait de gallo (le coq), j’ai eu envie de m’intéresser aux réseaux qui, tel Kokopelli pour les semences anciennes, « élèvent la biodiversité animale ». D’ailleurs je suis devenu adhérent de l’association F.E.R.M.E. lors du salon Primevère.

Des poules pour les œufs ou des poules pour la chair ? Ou les deux ? Là je n’ai pas tranché sachant que j’appréhende évidemment le jour où il faudra en passer une à la casserole…

poulets-batterieEt l’enclos ? Portatif, rigide, avec une rampe ? Tout est possible et en plus, cela dépend de la race que l’on choisit. Bref, je suis pas sorti de l’auberge du poulailler.

Heureusement, ce nœud gordien va bientôt être tranché… par la France. Bon ce n’est évidemment pas une très bonne nouvelle et décidément, tout est fait pour nous rendre de moins en moins autonome. Après le purin d’ortie et les graines traditionnelles, ce sont nos animaux de basse-cour qui risquent de faire les frais des mesures hygiénistes.

Le détonateur ?

Depuis des années, l’Organisation Mondiale de la Santé alerte sur le risque de pandémie liée à une recrudescence de grippe aviaire. Souvenez-vous. En 2004 une souche de virus H5N1 provoque à la fois la panique et les fous rires. Les autorités nous sommaient de ne pas nous approcher des oiseaux sauvages. Tout cela était assez cocasse dans la mesure où l’on pense aujourd’hui que ce virus est devenu transmissible à l’homme à cause des élevages industriels asiatiques, bref de l’univers concentrationnaire des poulets.

Quand l’industrie déraille, on montre du doigt la nature sauvage…

Cela fait des années que l’OMS craint une mutation sévère du virus qui serait catastrophique pour l’espèce humaine (et donc bénéfique pour la planète mais ça c’est une autre histoire.. de troll !)

poule-spanishDu coup, au ministère de la Santé, une circulaire… circule.
Elle indique qu’il va falloir « anticiper tout risque de contaminations » par nos volatiles. Statistiquement cela tient la route. Il y aurait près d’un million de Français qui s’adonnent à l’élevage de poules. Grande surprise, l’Île-de-France voit se développer les « poulaillers urbains ». Bref, la poudre est là, prête à contaminer en un clin d’œil tout l’Hexagone. Reste à allumer la mèche virale…

Mais cela, c’est sur le papier. Car évidemment, on aura beau expliquer que c’est justement en préservant la biodiversité animale, et donc en favorisant l’élevage domestique contre l’élevage industriel mono-souche, qu’on endiguera le risque. Las ! Le dernier rapport des autorités sanitaires préconise une interdiction dès 2015 avec application définitive en 2020.

Du coup je vais attendre encore un peu avant mon achat de poulettes…

Cocorico !

La nouvelle vague

Huit ans d’activité dans le milieu bio/ecolo/équitable et nous avons déjà l’impression d’être des dinosaures !

Lorsque nous recroisons les amis qui ont débuté sur les planches du développement durable avec nous :  réseau des freemen, créateurs de mode éthique, jeunes conférenciers en herbe etc… nous discutons avec nostalgie de ces fraîches années, à la manière de ces vieux retraités sur un banc public à qui l’on sourit avec condescendance.

Bon, nous n’avons que la trentaine mais la plupart ont commencé à être pris par les impératifs de la vie d’adulte : obligations professionnelles, crédits à rembourser et même pire, certains ont des enfants, prétexte parfait pour déserter les réunions et cocktails-rencontres.

Auparavant, on prétextait de n’importe quel évènement pour converser sur le macadam jusqu’à 2 heures du matin, ce moment magique où les meilleures idées surgissent. Salon bio, foire équitable, apéro pro, inauguration, performance artistique… Il y avait MyCoop et les green drinks, les alter-mardis et les canalisations. Et les mistrals gagnants…

Désormais, c’est plus compliqué : il faut s’organiser, faire des doodles étriqués entre les possibilités de nounou et les séances de psychanalyste. La candeur et la spontanéité de notre  adulescence a laissé place à la RealDomestik. En un mot, nos vies de combattants sont devenues des vies de quotidien

Forçons le trait encore ! Disons que nous sommes hors-jeu. Pour casser les digues il faut plusieurs vagues. Notre vague à nous, c’était celle qui a connu deux épisodes majeurs et controversés : le Grenelle de l’environnement et le sommet de Copenhague. Si quelques années après, certains en ont daté l’inhumation de l’écologie, ils oublient tout de même de mentionner que jamais l’environnement n’a été aussi médiatisé, débattu, porté sur la place publique. On peut être déçu… mais on n’a pas fait mieux depuis !

La nouvelle vague ne s’appelle plus économie verte mais économie collaborative, ne parle plus d’éco-consommation mais de consommation collaborative. Terme assez paradoxal puisqu’il est censé incarner une forme de résistance à la domination marchande. J’ai déjà, comme d’autres, placé quelques bémols dans cette euphorie collaborative : foi en la technique, mise en avant de start-ups, manque de définition globale du projet de société. Cela n’enlève rien à la pertinence de cette nouvelle poussée qui, par ailleurs, renoue avec la notion fondamentale de « convivialité » qui serait la base d’une société post-croissance. Mais pour cela, ses hérauts doivent se défaire du mythe prométhéen.

Si l’on devait adopter en grande pompe le formalisme hégelien,

  1. la première vague avant nous fut politique (1970-2000),
  2. notre vague fut économique (2000-2010),
  3. la nouvelle vague est technologique.

Pourquoi dis-je que la nôtre fut économique ? Je me souviens de longs débats pour savoir si l’on changeait le monde par la politique ou si justement il en fallait pas prendre le système par son propre jeu à savoir l’économie. C’était sur toutes les bouches : « il y a plus de pouvoir dans un caddie que dans un bulletin de vote ». Et Alter Eco avait ses publicités dans le métro où, au-dessus d’un paquet de café était écrit « C’est si bon de changer le monde ».

Alors bon, nous avons perdu. L’équitable pantèle, la bio est récupérée, les OGM reviennent etc… Mais d’une certaine manière nous avons aussi gagné.  Vous trouvez de la peinture écolo (enfin à peu près…) dans les grandes enseignes. Les grandes surfaces ont décuplé leur gamme bio et locale et Carla Bruni a acheté des couches lavables…

Désormais nous comptons sur la nouvelle vague, jeunes femmes et jeunes hommes ayant achevé leurs études, ayant parcouru le monde en mode sac à dos, avec une maturité déconcertante. Pour en avoir rencontrés, la relève est bien là et prometteuse !

Je serai bien mal placé de refourguer des conseils. Juste un :  « Ne pas partir tout seul ! » Trouver un alter ego, une équipe, un tuteur, que sais-je ? Quelques personnes bien choisies et bienveillantes qui seront le regard objectif et encourageant dans les moments de doutes.

Surtout, ne jamais considérer que l’on va s’enrichir monétairement parlant ! Sinon c’est que l’on a déjà confondu fin et moyen. Il y a de quoi s’enrichir sur plein d’autres aspects : amical, intellectuel, et surtout temporel ! A défaut d’argent, profitez au moins de ce luxe qu’est le temps.

Ami lecteur pas d’inquiétude ! Ce n’est pas un propos d’abandon. Ce n’est pas un « au revoir ! place aux jeunes » mais plutôt un « bienvenue aux nouveaux dans l’aventure ! « . Un peu comme une course de relai où une fois le témoin passé, le coureur continuerait à sprinter pour le plaisir…

D’ailleurs, si vous regardez le flux et le reflux vous noterez que contrairement à ce que l’on s’imagine, il arrive souvent qu’une vague vienne en déborder une autre qui n’a pas encore commencé le ressac. J’aime à penser que nous avons été une vague qui ne s’est pas encore retirée mais qui, pour paraphraser Newton, porte sur ses épaules cette vague bien plus énergique.

En tout cas quelque chose me dit que de toute façon, nous sommes à la marée montante…

Et qu’entre le vague à l’âme et la nouvelle vague, je sais où me baigner !