Baptiste RABOURDIN

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Catégorie : Un peu sur nous

La nouvelle vague

Huit ans d’activité dans le milieu bio/ecolo/équitable et nous avons déjà l’impression d’être des dinosaures !

Lorsque nous recroisons les amis qui ont débuté sur les planches du développement durable avec nous :  réseau des freemen, créateurs de mode éthique, jeunes conférenciers en herbe etc… nous discutons avec nostalgie de ces fraîches années, à la manière de ces vieux retraités sur un banc public à qui l’on sourit avec condescendance.

Bon, nous n’avons que la trentaine mais la plupart ont commencé à être pris par les impératifs de la vie d’adulte : obligations professionnelles, crédits à rembourser et même pire, certains ont des enfants, prétexte parfait pour déserter les réunions et cocktails-rencontres.

Auparavant, on prétextait de n’importe quel évènement pour converser sur le macadam jusqu’à 2 heures du matin, ce moment magique où les meilleures idées surgissent. Salon bio, foire équitable, apéro pro, inauguration, performance artistique… Il y avait MyCoop et les green drinks, les alter-mardis et les canalisations. Et les mistrals gagnants…

Désormais, c’est plus compliqué : il faut s’organiser, faire des doodles étriqués entre les possibilités de nounou et les séances de psychanalyste. La candeur et la spontanéité de notre  adulescence a laissé place à la RealDomestik. En un mot, nos vies de combattants sont devenues des vies de quotidien

Forçons le trait encore ! Disons que nous sommes hors-jeu. Pour casser les digues il faut plusieurs vagues. Notre vague à nous, c’était celle qui a connu deux épisodes majeurs et controversés : le Grenelle de l’environnement et le sommet de Copenhague. Si quelques années après, certains en ont daté l’inhumation de l’écologie, ils oublient tout de même de mentionner que jamais l’environnement n’a été aussi médiatisé, débattu, porté sur la place publique. On peut être déçu… mais on n’a pas fait mieux depuis !

La nouvelle vague ne s’appelle plus économie verte mais économie collaborative, ne parle plus d’éco-consommation mais de consommation collaborative. Terme assez paradoxal puisqu’il est censé incarner une forme de résistance à la domination marchande. J’ai déjà, comme d’autres, placé quelques bémols dans cette euphorie collaborative : foi en la technique, mise en avant de start-ups, manque de définition globale du projet de société. Cela n’enlève rien à la pertinence de cette nouvelle poussée qui, par ailleurs, renoue avec la notion fondamentale de « convivialité » qui serait la base d’une société post-croissance. Mais pour cela, ses hérauts doivent se défaire du mythe prométhéen.

Si l’on devait adopter en grande pompe le formalisme hégelien,

  1. la première vague avant nous fut politique (1970-2000),
  2. notre vague fut économique (2000-2010),
  3. la nouvelle vague est technologique.

Pourquoi dis-je que la nôtre fut économique ? Je me souviens de longs débats pour savoir si l’on changeait le monde par la politique ou si justement il en fallait pas prendre le système par son propre jeu à savoir l’économie. C’était sur toutes les bouches : « il y a plus de pouvoir dans un caddie que dans un bulletin de vote ». Et Alter Eco avait ses publicités dans le métro où, au-dessus d’un paquet de café était écrit « C’est si bon de changer le monde ».

Alors bon, nous avons perdu. L’équitable pantèle, la bio est récupérée, les OGM reviennent etc… Mais d’une certaine manière nous avons aussi gagné.  Vous trouvez de la peinture écolo (enfin à peu près…) dans les grandes enseignes. Les grandes surfaces ont décuplé leur gamme bio et locale et Carla Bruni a acheté des couches lavables…

Désormais nous comptons sur la nouvelle vague, jeunes femmes et jeunes hommes ayant achevé leurs études, ayant parcouru le monde en mode sac à dos, avec une maturité déconcertante. Pour en avoir rencontrés, la relève est bien là et prometteuse !

Je serai bien mal placé de refourguer des conseils. Juste un :  « Ne pas partir tout seul ! » Trouver un alter ego, une équipe, un tuteur, que sais-je ? Quelques personnes bien choisies et bienveillantes qui seront le regard objectif et encourageant dans les moments de doutes.

Surtout, ne jamais considérer que l’on va s’enrichir monétairement parlant ! Sinon c’est que l’on a déjà confondu fin et moyen. Il y a de quoi s’enrichir sur plein d’autres aspects : amical, intellectuel, et surtout temporel ! A défaut d’argent, profitez au moins de ce luxe qu’est le temps.

Ami lecteur pas d’inquiétude ! Ce n’est pas un propos d’abandon. Ce n’est pas un « au revoir ! place aux jeunes » mais plutôt un « bienvenue aux nouveaux dans l’aventure ! « . Un peu comme une course de relai où une fois le témoin passé, le coureur continuerait à sprinter pour le plaisir…

D’ailleurs, si vous regardez le flux et le reflux vous noterez que contrairement à ce que l’on s’imagine, il arrive souvent qu’une vague vienne en déborder une autre qui n’a pas encore commencé le ressac. J’aime à penser que nous avons été une vague qui ne s’est pas encore retirée mais qui, pour paraphraser Newton, porte sur ses épaules cette vague bien plus énergique.

En tout cas quelque chose me dit que de toute façon, nous sommes à la marée montante…

Et qu’entre le vague à l’âme et la nouvelle vague, je sais où me baigner !

500 ans après, Magellan finit son tour du monde

Mercredi, Montreuil, « il pleut doucement sur la ville » comme écrivait Verlaine citant Rimbaud. Je parviens au toit d’un immeuble industriel en bordure d’autoroute. L’édifice des années 70 s’appelle MoZiNor (Montreuil Zone Industriel Nord) et il va falloir mettre la fiche wikipedia à jour car le dernier étage, appelé lot 38, comme dans un roman de Thomas Pynchon, n’abrite plus d’ateliers d’artistes.

Sébastien et Katie m’accueillent dans leur atelier. Ils ont entièrement rénové le lieu. Méconnaissable. Nous sommes à l’Atelier Magellan où les artistes ont laissé place aux saveurs épicées et chocolatées.

J’avais prévu de passer une petite heure, comprendre leur aventure, découvrir leur secret et les dessous de leur succès. Une épicerie, un atelier bio, équitable, solidaire avec des saveurs venus du monde entier et maintenant ils couvent le projet d’une boulangerie spécialisée dans les « intolérances » (sans gluten, sans lactose) en SCOP… je crois pouvoir affirmer que si vous voulez retrouver de l’espoir dans l’humain, partager un thé tout là-haut en contemplant la tour Eiffel ici et les bois franciliens là-bas, vous êtes au bon endroit.

J’avais prévu une heure. Nous avons discuté quatre heures avec passion. Si certaines entreprises s’adonnent au story telling qui sert le plus souvent à cacher une réalité peu reluisante, Sébastien et Katie Magellan (ils sont frères et soeurs) révèlent que le nom de Magellan n’est pas une marque… C’est leur nom de famille !

D’origine portugaise, ils sont nés en France mais font partie de cette grande famille liée au célèbre explorateur, premier homme à avoir fait le tour du monde. Les plus précis diront qu’en réalité, Fernand de Magellan n’a pas fini sa boucle puisqu’il est mort aux Philippines. Qu’importe, ce nom est resté, même pour un détroit et deux galaxies. C’est pas rien !

500 ans après donc, l’expédition continue ! Forte d’une famille nombreuse, l’équipe parvient à s’atteler dans le soutien de producteurs à travers le monde en nous ramenant, par bateau, des épices, thés, cafés et cacao en bio/équitable. Dernièrement, ils se sont mis dans la transformation; ils ont le « laboratoire » (avec des éléments récupérés à la vente aux enchères du Ritz s’il vous plaît !) et peuvent même prétendre au titre, plutôt rare, de chocolatier (à ne pas confondre avec les couverturiers).

Quand ils racontent leur début, la petite boutique à Versailles, l’entrepôt au port de Conflans-Sainte-Honorine, et maintenant donc le lot 38 de Mozinor qu’ils ont retapé des mois entiers, on se dit qu’il y a certainement un mécène ou un banquier derrière tout cela. Et la réponse est non ! Du réseau amical, de l’abnégation et bien sûr beaucoup beaucoup beaucoup d’énergie.

Leur dernier projet, encore plus fou, consiste à soutenir la petite dernière dans un projet d’entreprise d’insertion, destinée à former et valoriser le travail des femmes dans le milieu très machiste de la boulangerie !

La SCOP du Pain de la Liberté, c’est aussi avec un agriculteur et des céréales locales ! C’est le complete combo ! Et c’est même pas pour rentrer dans les cases d’un quelconque appel à projet ou ligne subventionnable.

C’est une histoire encore plus simple, plus évidente. Katie et Sébastien ont deux sœurs, qui sont intolérantes au gluten et au lactose. Phénomène d’ailleurs de plus en plus fréquent dans nos sociétés et encore mal diagnostiqué.

Et faire du pain sans gluten c’est tout un art.

Alors elles ont décidé monter leur propre boulangerie sans gluten (sachant qu’elles ont déjà une formation en boulangerie) et il ne leur manque « que » le four. L’agriculteur, le lieu, les clients… tout ca est déjà en place.

Bon vous me voyez venir… Pour acheter le four, direction le crowdfunding. Et je dois dire que nous sommes fiers à eco-SAPIENS d’être mentor d’un si beau projet, avec un si beau nom.

Ca s’appelle « Le pain de la liberté » , ce qui est fortuitement le titre d’un roman dont l’histoire semble se confondre, involontairement, avec celle de cette aventure boulangère ! Il y a des signes…

L’intolérance au gluten concerne de plus en plus de monde et parfois on n’en a même pas conscience. Des diététiciens recommandent carrément des régimes sans gluten car cette protéine est suspectée de causer de nombreuses maladies. Bref, vous êtes peut-être intolérant, à plus ou moins haut degré, et vous ne le savez pas.

Allez, si vous aimez le pain et si vous aimez la liberté alors vous pouvez contribuer au Pain de la liberté dès maintenant !

Toujours pas changé de banque ?

J’ai donné hier une conférence à Paris sur « la levée de fonds en coopérative grâce à ce machin bizarre qu’est la SEP ». Invité par l’Atelier Ile-de-France, qui est le centre de ressources francilien sur l’économie sociale et solidaire, j’ai pu partager, pas tant mon expertise que mon expérience.

Cependant, étant donnée la qualité des échanges qui suivirent et les remerciements, il faut croire que ma prestation ne fut pas trop indigente. Voilà pour le personal branding

Pour ceux qui auraient raté un épisode, eco-SAPIENS est une SCOP (société coopérative) ce qui signifie que le capital est détenu majoritairement par ses salariés. Un homme comptant pour une voix, peu importe le nombre de parts (oui oui, comme dans une démocratie…) vous comprendrez qu’il est impossible d’accueillir une foule de sociétaires extérieurs. D’où la technique de la SEP, société en participation, qui permet d’ « encapsuler » dans une seule personne, toutes les bonnes âmes désireuses de rejoindre l’aventure.

Pour en savoir plus, nous avions expliqué l’opération ici. L’objectif d’antan ayant été rempli, inutile de demander une souscription. Trop tard !

A mon sens, ce montage  financier est franchement innovant puisque plus de 100 personnes (physiques, entreprises, scop, association, cigales..) ont rejoint le navire. Et qu’il suscite des coups de fil d’entrepreneurs et avocats intrigués par la bête. La SEP est un être hybride, à mi-chemin entre de l’investissement capitalistique classique et du love money.

  • Capitalistique compte tenu de la déduction fiscale, des dividendes et du droit de regard (mais pas de contrôle !).
  • Love Money car j’ose penser que beaucoup de nos financ’acteurs l’ont fait davantage par bienveillance que par vénalité.

Hasard du calendrier, le même jour se lançait une plateforme dédiée aux prêt collaboratif nommée HelloMerci. Inaugurée par la sympathique plateforme de crowdfunding KissKissBankBank (dont nous avions parlé ici). Pour ceux qui auraient raté un train, le crowdfunding (financement par la foule) est la tendance de ces dernières années… non sans poser des questions métaphysiques.

Car quand on parle argent et finances, on fait de la métaphysique. Si si !

D’abord, on ne s’étonne plus qu’il soit tout à fait licite d’inciter publiquement aux dons. Qu’Emmaüs, le WWF ou la Ligue Contre le Cancer vous demande des sous à la télé ou dans un journal, cela ne choque pas. Par contre, on ne se demande plus pourquoi il est illicite de faire de l’appel public à l’investissement. L’appel public à l’épargne est en effet ultra encadré en raison de certains scandales financiers au XXème siècle (arnaque liée à l’affaire Satvisky notamment, et plus près de nous Madoff). En effet, comme au jeu de hasard, l’appât du gain lié à l’investissement entraîne des comportements addictifs auquel seul un investisseur qualifié pourrait échapper.

Les établissements bancaires ont un agrément et détiennent, en quelque sorte, un oligopole dans l’octroi de crédit. Evidemment, les choses sont aujourd’hui plus complexes puisque les vendeurs eux-même font désormais du crédit à la conso ( « payez en trois fois » avec Carrefour etc).

Il y a quelques mois se lançait l’équivalent français des union bank américaines, c’est à dire du prêt entre particuliers. Bref, on sautait un intermédiaire, à savoir la banque. Système dans le principe assez sain. Des particuliers aisés prêtent à des particuliers dans le besoin avec un taux négocié entre les partis. De même que Indymedia invite chacun à être journaliste, ce prêt d’union invite chacun à être banquier.

Avec le succès du crowdfunding, on est même arrivé à un point où des films, des revues, des voyages, etc sont financés en quelques mois par de généreux donateurs qui, cette fois, ne veulent pas revoir leur argent. Bref, chacun peut devenir non plus banquier mais mécène. Une bouffé d’air frais pour tous les entrepreneurs dans l’âme.

Quant à nous, avec notre système confidentiel de SEP, nous invitions chacun à devenir investisseur et sociétaire.

Le banquier, le mécène et le sociétaire.

3 niveaux d’implication différents avec des dispositifs fiscaux et légaux spécifiques. Oui il est bon que la finance sorte un peu des cadres classiques et devienne participative, directe voire locale.

En revenant de Paris, j’ai pourtant lu avec passion le rapport annuel de ma banque. Elle s’appelle La Nef et j’irai, pour la troisième fois, à son assemblée générale. C’est à peu près le seul moment où l’argent n’a plus le même sens tel qu’on l’entend en écoutant les informations. L’argent comme matière informe, moite et vertigineuse. Rappelons nous Kerviel qui perd 3 milliards et rien ne se passe.

Or on peut parler d’argent comme un vecteur. La Nef parle de « l’argent qui relie les hommes » ayant bien conscience que l’argent n’a de valeur que lorsqu’il circule et jamais lorsqu’il cherche à être séquestré.

Banque éthique, banque locale, banque directe, banque participative…  Et dire qu’il y a 3 ans, je découvrais d’un air dubitatif une conférence sur  les monnaies libres. Toute crise sécrète son alternative.

Ou, pour citer le poète Hölderlin, là où croît le péril, croît aussi ce qui sauve.

Dans l’arrière-cuisine des fonds de pension

Il paraît que deux choses seulement gouvernent le monde : l’argent et l’amour.

L’amour c’est beau et cela inspire aux hommes et aux femmes de nobles sentiments, et même des odes, des aubades, des sérénades, des romans poignants et des films à budget titaniquesque.

Alors que l’argent est sale, qu’il inspire aux hommes et aux femmes des réflexes reptiliens flattant leur égo, leur soif de pouvoir et stimule leur rivalité.

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Le gratin dauphinois – Les SCOP à Dauphine

Dans la vie, c’est bien connu, il y a les gentils et les méchants.

Malheureusement, les gentils font parfois des entorses à leurs principes et les méchants ont souvent un bon fond; ils aimeraient faire autrement mais le tourbillon de la vie économique les a emportés loin de leurs idéaux refoulés. Parfois, gentils et méchants se rencontrent. Ils cultivent leurs différences, comme on dit.
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Et donc nous avons créé une AMAP

Je ne sais plus exactement comment cela s’est passé.

Il se trouve que mon père, en général aux abonnés absents question écolo, s’était mis en tête de créer une AMAP, une Association pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne.
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Gestes et opinions du docteur Pierre d’Alun

Ce qu’il y a de bien dans Faustroll, c’est qu’il y a troll.

Et sur le web, un troll désigne un message à caractère provocateur qui vise à nourrir artificiellement une polémique. Je pense que lorsque l’on parle santé, diététique ou médecine, on a une chance sur deux de faire le troll.
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Quelqu’un a-t-il compris la campagne « Tous candidats » ?

Je vous assure que la question est sincère. Elle l’est d’autant plus que mon respect, ma sympathie et mon enthousiasme pour le mouvement Colibris est fort comme un roc !

Pour ceux qui auraient raté le train, je tente un bref résumé.
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Google et la danse du panda

Coïncidence des temps modernes, le panda est ces temps-ci vivement critiqué.

A ma gauche, le Panda WWF, épinglé par le journaliste Fabrice Nicolino dans son livre « Qui a tué l’écologie ? » L’ONG n’a jamais daigné répondre aux critiques et préféré continuer à manger les pousses de bambou.
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